Recherche

26 mai 2023

Le marché immobilier s'effondrera-t-il en 2023 ? Les experts donnent des prévisions à 5 ans

Taux de crédit immobilier @ 4% + Flambée du foncier jusqu'à X2 + 50% de refus des dossiers de prêt en banque = La crise se confirme presque partout en France avec à la clef : la crise de l'emploi. Si le foncier monte en flèche, les loyers peuvent suivre la hausse et pour se loger en France, ça devient-il un luxe ?

Après deux années de ventes rapides de biens immobiliers et d'appréciation vertigineuse du prix de ces biens, le marché immobilier en pleine effervescence a commencé à s'essouffler l'été dernier et tourne désormais au ralenti, en grande partie à cause de la flambée des taux d'intérêt hypothécaires. La trajectoire ascendante des hausses de taux a commencé en mars 2022, lorsque le taux fixe à 30 ans a dépassé les 4 %. En octobre, le taux fixe à 30 ans a atteint son plus haut niveau en 20 ans, à savoir 7 %, et a oscillé autour de 6 % tout au long de l'année 2023.

En conséquence de taux d'intérêt qui sont maintenant plus du double de ce que nous avons vu en 2020 et 2021, couplé à un fort ralentissement de la demande des acquéreurs, les prix de l'immobilier ont été en baisse. Après deux années d'activité commerciale sans précédent, faut-il en conclure que le marché immobilier est sur le point de s'effondrer ?

Le conseiller Forbes a demandé à plusieurs experts en immobilier quelles étaient leurs prévisions pour le marché immobilier au cours des cinq prochaines années. Si la plupart des experts prévoient que la demande des acheteurs finira par rebondir, il existe des signes avant-coureurs de ce qui nous attend.

Sommes-nous dans une bulle immobilière ?

La Banque fédérale de réserve de Dallas a identifié les signes d'une "bulle immobilière américaine en gestation" dans un rapport datant de 2022. Bien que la forte augmentation des prix de l'immobilier n'indique pas l'existence d'une bulle, il y a d'autres facteurs fondamentaux à prendre en compte. Il s'agit notamment de "l'évolution du revenu disponible, du coût du crédit et de l'accès à celui-ci, des ruptures d'approvisionnement et de l'augmentation des coûts de la main-d'œuvre et des matériaux de construction bruts, qui sont autant de raisons économiques expliquant la hausse soutenue des prix réels des logements".

Lorsque "la croyance que les hausses de prix robustes d'aujourd'hui vont se poursuivre est largement répandue", le marché immobilier s'éloigne de ces fondamentaux, révèle le rapport de la Fed de Dallas. "Si de nombreux acquéreurs partagent cette croyance, les achats découlant d'une 'peur de manquer' peuvent faire grimper les prix et accentuer les attentes de fortes hausses des prix des logements."

Len Kiefer, économiste en chef adjoint chez Freddie Mac, ne croit pas que le marché immobilier américain soit dans une bulle.

"Une bulle présente trois caractéristiques déterminantes : la croissance des prix est alimentée par la spéculation, les bulles sont alimentées par l'expansion du crédit et les bulles éclatent", explique M. Kiefer. "Alors que les prix de l'immobilier ont augmenté à des taux record en 2021, les raisons de cette augmentation ne sont pas principalement liées à la spéculation ou à l'expansion du crédit, mais plutôt à la faiblesse record des taux hypothécaires et à un changement fondamental de la demande de logements."

Mais qu'en est-il des personnes qui ont acheté un bien immobilier pendant ou avant la pandémie et qui voient aujourd'hui la valeur de leur bien immobilier diminuer ?

Keith Gumbinger, vice-président du site de prêts hypothécaires HSH.com, explique que si vous avez acheté un bien immobilier pour 300 000 dollars il y a trois ans, vous auriez pu le vendre 500 000 dollars l'année dernière, mais que vous ne pouvez plus en obtenir que 400 000. Il hésite toutefois à qualifier "cette situation d'éclatement de la bulle ou de krach."
 
"Il s'agit d'une 'perte sur papier', mais pas d'une perte réelle", précise M. Gumbinger.

En quoi la situation actuelle diffère-t-elle de l'effondrement du marché immobilier de 2008 ?

L'une des différences entre le marché immobilier actuel et le krach de 2008 est que les normes de prêt sont beaucoup plus strictes aujourd'hui, en raison des enseignements tirés et des nouvelles réglementations adoptées après la dernière crise. Cela signifie essentiellement que les personnes dont la demande de prêt hypothécaire a été approuvée aujourd'hui sont moins susceptibles de manquer à leurs obligations que celles dont la demande a été approuvée pendant la période de prêt précédant la crise.

"Avant la grande récession, le marché immobilier avait été alimenté par une expansion rapide du crédit, une augmentation de l'effet de levier et des attentes trop optimistes de la part des ménages en matière de croissance des prix de l'immobilier", explique M. Kiefer.

Contrairement à un prêt hypothécaire à taux fixe, le taux d'intérêt d'un prêt hypothécaire à taux variable (ARM) change périodiquement après une période initiale à taux fixe. Selon M. Kiefer, les propriétaires qui ont contracté des prêts hypothécaires à taux variable avant la crise de 2008 ont subi un choc de paiement une fois que les taux d'intérêt ont été réinitialisés, et nombre d'entre eux n'ont pas pu faire face aux mensualités plus élevées.

Cela soulève une autre distinction importante entre 2008 et aujourd'hui : la plupart des emprunteurs ont désormais des hypothèques à taux fixe, souligne M. Kiefer. Par conséquent, même si les taux hypothécaires ont doublé, les propriétaires actuels ne voient aucun changement dans leurs paiements mensuels de capital et d'intérêts.

Une autre différence essentielle entre le marché immobilier actuel et la crise de 2008 est que beaucoup plus de propriétaires disposent aujourd'hui d'un capital dans leur bien immobilier, ce qui peut les aider à surmonter un ralentissement de l'activité. À la fin de l'année 2009, près d'un quart des propriétaires américains se trouvaient en situation de sous-évaluation ou de déficit de leur bien immobilier, ce qui signifie que le montant de leur prêt hypothécaire était supérieur à la valeur de leur bien.

Des données récentes ont révélé que près de la moitié des biens immobiliers hypothéqués aux États-Unis sont considérés comme "riches en fonds propres", ce qui signifie que la valeur estimée combinée des soldes des prêts garantis par ces biens immobiliers est égale ou inférieure à 50 % de la valeur de leur propriété. En fait, les emprunteurs ont vu leur capital augmenter de 7,3 % au quatrième trimestre 2022 par rapport à l'année précédente, selon un récent rapport de CoreLogic.

Signes avant-coureurs susceptibles de freiner le marché immobilier

Selon les experts, la combinaison de taux hypothécaires élevés, de valeurs immobilières gonflées, d'une baisse de la demande des acquéreurs et d'une récession laisse présager une année difficile pour le marché immobilier.

"Avec des taux hypothécaires qui n'ont jamais été aussi élevés depuis le début des années 2000 et une accessibilité qui n'a jamais été aussi faible, de nombreux acquéreurs potentiels sont exclus du marché ou ne veulent pas acheter un bien immobilier par crainte d'une baisse des prix", explique Selma Hepp, économiste en chef adjointe chez CoreLogic.

En outre, Selma Hepp indique que de nombreuses personnes qui ont acheté leur maison au cours des deux dernières années et qui ont bénéficié de taux hypothécaires très bas ne vont probablement pas déménager de sitôt, ce qui accroît la pression sur les stocks disponibles.

La Réserve fédérale ralentit le marché immobilier

La hausse des taux d'intérêt hypothécaires est due, en partie, aux efforts déployés par la Réserve fédérale pour freiner l'inflation, qui a commencé à grimper en 2021 et a atteint depuis des sommets inégalés en 40 ans. La Réserve fédérale a relevé le taux des fonds fédéraux - le taux d'intérêt auquel les institutions de dépôt, telles que les banques et les coopératives de crédit, échangent des fonds fédéraux - dix fois depuis janvier 2022, au rythme le plus agressif depuis les années 1980. Lors de sa réunion de mai 2023, la Fed a indiqué qu'elle suspendrait les hausses de taux à court terme, mais d'autres hausses sont probablement à prévoir.

"Les actions continues de la Réserve fédérale (Fed) pour maîtriser l'inflation et les défis permanents en matière d'accessibilité financière ralentiront la demande des acheteurs de logements et le volume des achats en 2023", déclare Joel Kan, économiste en chef adjoint de la Mortgage Bankers Association (Association des banques hypothécaires).

Les actions de la Fed ont une influence significative mais indirecte sur les taux hypothécaires car les mouvements des taux de la Fed affectent les coûts d'emprunt, ce qui a un impact direct sur les taux hypothécaires.

Que signifierait une récession pour le marché immobilier ?

Les économistes du National Bureau of Economic Research (NBER) décrivent une récession comme une période prolongée d'au moins quelques mois au cours de laquelle l'activité économique connaît un déclin important et généralisé.

Voici d'autres signes que les économistes recherchent pour déterminer si nous sommes au bord de la récession ou si nous sommes entrés en récession :
  •     Le produit intérieur brut (PIB) connaît deux trimestres consécutifs de contraction ou de déclin.
  •     L'inflation et les coûts d'emprunt élevés ralentissent les dépenses.
  •     Ralentissement des ventes dans l'industrie et le commerce.
  •     Augmentation constante des pertes d'emploi et montée en flèche du chômage.
  •     Inversion de la courbe de rendement entre les bons du Trésor à 10 ans et les obligations à court terme.
Malgré l'inflation la plus élevée que le pays ait connue depuis 40 ans, l'économie présente quelques bonnes nouvelles : un marché du travail solide, avec un taux de chômage national proche des niveaux ultra-bas d'environ 3,5 %, des salaires en hausse de plus de 5,1 % par rapport à l'année précédente et des dépenses de consommation qui résistent.

Néanmoins, de nombreux experts estiment que l'économie américaine pourrait entrer en récession en 2023. En conséquence, ils prévoient que les consommateurs réduiront leurs dépenses, tandis que les entreprises réduiront leurs investissements et supprimeront des emplois.

Certains économistes prévoient que si nous entrons en récession, celle-ci sera relativement légère par rapport aux récessions précédentes. Malgré cela, ils affirment que le marché immobilier en subira les conséquences.

Il convient également de noter que l'afflux de primo-accédants à la propriété, qui a soutenu le marché immobilier ces dernières années, est déjà en train de s'épuiser. La National Association of Realtors (NAR) a récemment indiqué que les acquéreurs d'un premier bien immobilier ne représentaient plus que 28 % des achats en mars 2023, contre 30 % il y a un an. Une récession effraierait probablement encore plus les futurs accédants à la propriété et l'activité de transaction sombrerait davantage.

"Si l'économie s'affaiblit, de nombreux candidats à l'accession à la propriété ne pourront ou ne voudront pas contracter de prêt hypothécaire", explique M. Kiefer. Il s'attend également à voir les prix de l'immobilier diminuer, en particulier sur les marchés qui ont connu les hausses les plus rapides en 2021 et 2022.

N'oublions pas non plus l'impact du travail à distance. Pendant la pandémie, le travail à distance a été l'un des principaux moteurs des prix de l'immobilier sur de nombreux marchés. Si une récession entraîne un chômage important, "les employeurs pourraient décider qu'ils n'ont pas besoin d'offrir autant d'options de travail à distance, et les marchés qui ont bénéficié d'une hausse de la demande liée au travail à distance pourraient connaître une contraction de la demande", explique M. Kiefer.

Pourquoi le marché immobilier ne s'effondrera probablement pas ?

Lors d'une récente interview de Chuck Todd sur NBC News, Diane Swonk, économiste en chef chez KPMG, a déclaré que le marché immobilier était en train de "s'effondrer". Elle a cité les hausses de taux rapides de la Fed et le refroidissement du marché immobilier dû à l'inabordabilité malgré les contraintes d'inventaire.

Cependant, d'autres experts ne sont pas d'accord pour dire que ces facteurs à eux seuls équivalent à un effondrement du marché immobilier - et ne prévoient pas que les conditions actuelles y conduiront.

"Les prix sont toujours supérieurs de 5 à 6 % à ce qu'ils étaient l'année dernière à la même époque", déclare Daryl Fairweather, économiste en chef chez Redfin. "Ils ont baissé par rapport au début de l'année, mais ils restent supérieurs à ce qu'ils étaient l'année dernière, donc je ne pense pas qu'il s'agisse d'un krach.

M. Fairweather explique que si vous avez acheté votre maison en 2020 ou 2021, vous n'avez pas à vous inquiéter. La valeur de votre bien immobilier est toujours supérieure à ce qu'elle était, même si elle a connu une certaine baisse de valeur.

Autre différence par rapport aux années qui ont précédé le krach immobilier de 2008 : au cours de la dernière décennie, les acquéreurs ont versé davantage d'acomptes sur leur bien immobilier. "En raison de l'augmentation du prix immobilier, de nombreux propriétaires ont accumulé un capital immobilier important, qui leur sert de coussin financier en cas de récession ou de perte d'emploi", explique M. Hepp.

Qu'adviendra-t-il du marché immobilier après une récession ?

Si les économistes ont des prévisions différentes quant à la probabilité d'entrer en récession et au moment précis où cela se produira, ils s'accordent tous à dire que nous nous dirigeons vers une récession.

Qu'est-ce que cela signifie pour le marché immobilier une fois que la récession annoncée sera dans le rétroviseur ? Les experts s'attendent à un redémarrage.

"Avec le ralentissement de l'économie, les taux à long terme, y compris les taux hypothécaires, commenceront à baisser par rapport aux sommets actuels", explique M. Kan. "Combinés à une croissance plus cool du prix des biens immobiliers et à des facteurs démographiques, nous nous attendons à ce que davantage d'acheteurs potentiels reviennent sur le marché dans les années à venir."

Selon M. Hepp, les acquéreurs reviendront, mais la demande dépendra de l'ampleur de la baisse des taux hypothécaires et du niveau de gravité de la récession annoncée.

"Il s'agirait de toutes les générations d'acquéreurs et de toutes les catégories de revenus, car nous continuons à bénéficier d'un vent arrière démographique qui contribuerait à stimuler la demande des acquéreurs," explique M. Hepp. "La stabilisation est attendue pour la fin de l'année 2023 et le début de l'année 2024, en fonction de l'évolution des taux d'intérêt hypothécaires."
 
La faiblesse de l'offre immobilière restera un problème

Le pays (comme d'autres aux 4 coins du monde) est confronté à un problème aigu d'offre immobilière en raison d'une combinaison de facteurs.

D'une part, la baisse des ventes en cours et la diminution du nombre de biens immobiliers sur le marché rendent le stock de logements encore plus restreint. Ces tendances pourraient se poursuivre, car les propriétaires qui ont acheté à un taux hypothécaire bas ces dernières années resteront probablement sur place dans un avenir proche. La NAR indique que les acquéreurs prévoient de rester dans leur bien immobilier pendant une durée médiane de 15 ans.

L'allongement de la durée de vie est une autre raison de l'étroitesse du stock de logements. "Alors que les générations précédentes auraient abandonné l'accession à la propriété, les baby-boomers continuent de vivre très longtemps", explique M. Kiefer. "Cela permet de maintenir l'offre hors du marché."

Et la construction de nouveaux biens immobiliers a également connu un ralentissement. "L'offre immobilière devrait rester limitée au cours des deux prochaines années en raison de la combinaison d'un stock de logements à vendre toujours faible et d'un ralentissement de l'activité de construction de nouveaux logements", indique M. Kan.

M. Kiefer partage ce point de vue et considère la question de l'offre immobilière comme un problème à long terme. "La pénurie de logements a exercé une pression sur les marchés immobiliers et sera probablement présente pour les années à venir."

Malgré la persistance de taux d'intérêt élevés et de prix immobiliers élevés, le manque de stocks de revente donne aux constructeurs de logements une raison d'être prudemment optimistes. Dans le dernier rapport mensuel de la National Association of Home Builders (NAHB) & Wells Fargo Housing Market Index (HMI), la confiance des constructeurs dans le marché immobilier a progressé pour le quatrième mois consécutif. L'indice HMI se situe sur une échelle de 0 à 100 et évalue la force du marché immobilier individuel. Un score inférieur à 50 indique que les constructeurs de logements américains ont des perspectives négatives.

L'indice a augmenté d'un point entre mars et avril, passant de 44 à 45. "Actuellement, un tiers du stock de logements est constitué de nouvelles constructions, alors que la norme historique est d'un peu plus de 10 %", a déclaré Robert Dietz, économiste en chef de la NAHB, dans un communiqué de presse. "Un plus grand nombre d'acquéreurs se penchant sur les nouveaux biens immobiliers, ainsi que l'utilisation d'incitations à la vente, ont soutenu les ventes de nouveaux biens immobiliers depuis le début de l'année 2023."

"Sur le marché actuel, nous observons environ trois mois d'offre de biens immobiliers disponibles à la vente, ce qui représente environ la moitié de ce que nous aimerions voir normalement", déclare Rick Sharga, vice-président exécutif de l'intelligence du marché chez ATTOM Data. "Et nous avons encore une demande refoulée en raison des tendances démographiques."

Que doivent faire les acquéreurs d'un logement ?

Les acquéreurs potentiels sont confrontés à des choix difficiles sur le marché actuel. Les prévisions indiquent que les prix de l'immobilier gonflés diminueront dans les mois à venir, mais que la construction de nouveaux logements restera à la traîne dans un avenir prévisible. Si la demande reprend, le stock limité de logements pourrait provoquer une nouvelle flambée des prix de l'immobilier, ce qui rendrait les biens immobiliers inabordables pour de nombreuses personnes.

Pour certains acheteurs qui souhaitent acquérir un bien immobilier maintenant, cela signifie s'éloigner des grandes villes pour s'installer dans des métropoles plus abordables. Pour d'autres, cela signifie étirer leur budget ou faire des compromis sur la taille de la maison ou d'autres équipements.

"Bien que la période actuelle soit difficile pour les candidats à l'achat d'un logement, les conditions du marché sont beaucoup moins concurrentielles qu'elles ne l'étaient en début d'année", explique M. Hepp. "Les acquéreurs ont donc la possibilité d'entrer sur le marché sans avoir à rivaliser avec d'autres acheteurs et, éventuellement, de bénéficier d'une remise sur le prix catalogue."

Par ailleurs, qu'en est-il si vous n'êtes pas prêt à acheter un bien immobilier dans l'immédiat ? Y a-t-il quelque chose que vous devriez faire pour vous préparer au moment où vous serez prêt à reprendre la recherche d'un logement ?

"Augmentez votre épargne, renforcez votre solvabilité et recherchez des villes et des quartiers susceptibles de répondre à vos besoins", explique M. Gumbinger.

Toutefois, ne pensez pas que vous pourrez anticiper le marché et deviner quand les taux d'intérêt hypothécaires atteindront leur niveau le plus bas, ce qui est une pratique difficile, selon M. Kiefer. "J'encourage plutôt les acquéreurs potentiels à adopter une vision à long terme et à considérer ce à quoi ressemblent leurs besoins en matière de logement aujourd'hui et ce à quoi ils pourraient ressembler à l'avenir."

M. Kiefer conseille de tenir compte de votre cote de crédit actuelle et de ce que vous pourriez faire pour l'améliorer, et d'évaluer si vous disposez de suffisamment d'économies pour verser un acompte. Il suggère également de renforcer la formation de l'emprunteur par le biais de programmes tels que CreditSmart de Freddie Mac.
 

Quelles seraient les conséquences d'une récession pour les acquéreurs et les vendeurs de biens immobiliers en 2023 ?

Alors que l'inflation fait toujours rage - et que la Réserve fédérale s'engage à faire tout ce qui est en son pouvoir pour la ralentir - de nombreux économistes estiment qu'une récession est imminente. Une récession étant généralement synonyme de mauvaises nouvelles pour le marché immobilier, que signifierait une véritable récession pour les acheteurs et les vendeurs de logements, qui ont déjà connu neuf mois consécutifs de hausse des taux d'intérêt et de baisse des ventes de logements ?

  • La récession est-elle inévitable ?

La probabilité d'une récession aux États-Unis et en Europe au cours des 12 prochains mois est de plus en plus élevée, les experts estimant cette probabilité à 65 %.

"Ce n'est un secret pour personne que les États-Unis vont entrer en récession", déclare Mike Rhoads, président de Rhoads Home Buyers. "La dernière s'est produite il y a plus de dix ans et les économistes affirment que nous sommes en retard d'une autre récession."

Mais si nous sommes sur le point de connaître une récession, ses effets ne se sont pas encore fait pleinement sentir. Les hausses de taux de la Fed destinées à ralentir l'inflation n'ont eu que peu ou pas d'effet. Bien que les consommateurs se plaignent de la cherté des prix, les dépenses restent élevées. Le marché de l'emploi, en pleine effervescence, se maintient, mais montre des signes de ralentissement.

Comment les récessions affectent les prix de l'immobilier

Les récessions se traduisent généralement par une diminution du nombre d'acheteurs, ce qui a pour effet de faire baisser les prix des logements.

Lors de la grande récession de 2008, les prix des logements ont chuté d'environ 33 %. Mais dans ce cas, le logement lui-même - en particulier l'absence de réglementation concernant les prêts hypothécaires à haut risque - a largement contribué à la récession. Compte tenu des normes d'emprunt beaucoup plus strictes en vigueur aujourd'hui, on ne s'attend pas à une telle chute cette fois-ci.

"Si l'on considère les huit dernières récessions, toutes sauf une (2008) se sont traduites par une évolution latérale ou ascendante de la valeur immobilière", déclare Mike Hardy, associé gérant de Churchill Mortgage. La Grande Récession a été une récession "causée par le logement" en raison d'une offre excédentaire dramatique, d'un manque de demande, de pratiques de prêt horribles et d'une mauvaise surveillance réglementaire.

"Le climat économique actuel est très différent", poursuit M. Hardy, "avec une offre insuffisante de logements, une augmentation significative de la population et des besoins en logements, ainsi que des pratiques de prêt conservatrices".

Après une forte hausse des prix pendant le boom immobilier de la pandémie, les prix des logements ont commencé à baisser dans certaines régions du pays.

"À Seattle, par exemple, les prix de l'immobilier ont baissé pendant quatre mois consécutifs, ce qui constitue la plus longue série de baisses depuis la Grande Récession", indique M. Rhoads.

Toutefois, la plupart des analystes attribuent la baisse des prix à un manque d'accessibilité financière dû à la hausse des taux d'intérêt.

Une récession fera baisser les taux hypothécaires

Si les acheteurs potentiels s'inquiètent de la hausse des taux d'intérêt, une récession mettra probablement un terme à leur ascension.

"Lorsque les taux hypothécaires se situent autour de 7, les études montrent que seuls 10 % des acheteurs éligibles (ceux qui peuvent se permettre d'acheter) sont prêts à acheter et à accepter un prêt hypothécaire à ce taux", explique Geoff Parker, qui dirige le site www.HMOsales.com. "Les récessions sont déflationnistes par nature en raison de la destruction de la demande. Cela entraînera également une baisse des taux hypothécaires".

Inventaire immobilier

Un des tristes effets secondaires d'une récession est que les gens perdent leur emploi, ce qui entraîne une augmentation du nombre de saisies et du stock de logements disponibles.

"Les stocks augmenteront temporairement", déclare Shri Ganeshram, PDG et fondateur de awning.com. "Cependant, il est probable que nous assistions à un nombre élevé de conversions en locations à court et à long terme par des propriétaires qui peuvent se permettre d'attendre la fin de la récession avant de vendre. Cela exercera une pression sur les loyers et les Airbnbs, mais seulement temporairement, car il y a une grande demande refoulée pour les deux."

Julian Schwertz d'eXP Realty a un autre point de vue.

"Les stocks resteront inférieurs aux niveaux d'avant la pandémie, car les propriétaires choisissent de ne pas bouger. Environ 85 % des propriétaires ayant contracté un prêt hypothécaire ont un taux d'intérêt inférieur à 4 %, et ils ne vont PAS échanger leur taux exceptionnel contre des taux élevés que nous n'avons pas vus depuis plus de 20 ans", explique-t-il.

Prix des loyers

Comme le dit Ganeshram, une récession augmentera la popularité des locations et des Airbnbs, augmentant le coût des deux.

"Les prix des loyers sont en baisse, mais ils se stabiliseront pendant la récession", explique M. Graneshram. "Nous n'assisterons probablement pas à des baisses importantes, car les propriétaires sont en mesure de maintenir les prix et les grands acheteurs institutionnels sont plus susceptibles de conserver un bien pour l'apprécier, avec le flux de trésorerie d'une location comme bonus supplémentaire."

"Les prix des loyers augmenteront plus rapidement à mesure que les acheteurs potentiels quitteront le marché de l'achat pour se tourner vers le marché de la location", ajoute M. Schwertz.

  • Récession : opportunités pour le marché immobilier

Personne ne sait si une récession surviendra, ni quand elle surviendra. Mais les propriétaires immobiliers, les vendeurs et les investisseurs peuvent se préparer - et même tirer profit - d'un retournement de conjoncture.

Devenir propriétaire

Le prix des biens à vendre s'est considérablement réduit. Le nombre d'acquéreurs potentiels diminue à mesure que le coût de l'emprunt augmente. Vous devez donc vous attendre à devoir faire quelques concessions pour vous débarrasser de votre bien.

"Les biens immobiliers ne se vendront pas rapidement s'ils ne sont pas sous-évalués", explique M. Ganeshram, "et les acheteurs feront jouer leur pouvoir de négociation en proposant des offres plus basses et des conditions plus avantageuses".

La bonne nouvelle (en quelque sorte), c'est que vous n'avez pas besoin de dépenser des sommes astronomiques en rénovations dans l'espoir d'augmenter votre prix de vente en période de récession. Les acquéreurs ne seront pas en mesure de balancer des prix plus élevés de toute façon.

"Les vendeurs de biens immobiliers n'ont pas vraiment le choix : ils ne peuvent vendre que s'il y a un acquéreur en attente", explique M. Parker. "Que peuvent-ils faire pour rendre leur maison plus attrayante s'il n'y a pas d'acquéreur ?".

Les acquéreurs de biens immobiliers

Entre les saisies immobilières et les corrections du marché qu'entraîne une récession, les prix des biens immobiliers vont baisser, et des affaires seront disponibles, affirme M. Rhoads.

Les acquéreurs auront la possibilité de négocier leur prix et leurs conditions pour une fois.

"Ils peuvent rentrer chez eux après avoir visité quelques biens immobiliers et y réfléchir pendant le week-end sans être contraints de soumettre une offre avant la fin de la journée", explique Julian Schwertz.

Mais soyez réaliste quant à ce que vous pouvez vous permettre en période de ralentissement économique.

"J'ai acheté une maison au plus bas de la dernière récession, à moitié prix par rapport au prix le plus élevé", explique Gunner Davis, agent immobilier en Floride. "J'avais économisé suffisamment d'argent pour que cela soit possible. La leçon à retenir est donc qu'il faut disposer de suffisamment de liquidités pour survivre à un manque de revenus important. Les personnes qui se sont retrouvées en difficulté la dernière fois et qui ont perdu leur maison n'avaient pas assez de réserves de liquidités pour passer un mois sans revenus, et encore moins plusieurs mois ou années sans revenus. Même une petite baisse des revenus plonge les gens dans une crise".

Devenir investisseur

Si vous décidez d'acheter un bien immobilier, vous devrez disposer de suffisamment de liquidités pour verser un acompte important afin d'éviter des intérêts hypothécaires élevés.

"C'est pourquoi les acquéreurs et les investisseurs doivent se préparer à entrer sur le marché en période de récession", explique M. Davis.

M. Davis suggère que la bonne façon de se préparer est de commencer à économiser de l'argent et de maintenir une bonne cote de crédit. De cette façon, les taux d'intérêt élevés ne seront pas aussi préoccupants, car plus l'acompte est élevé, moins il faut emprunter. De plus, une bonne cote de crédit vous permet d'obtenir un meilleur taux hypothécaire.

N'oubliez pas non plus que vous ne pourrez peut-être pas revendre votre bien rapidement.

"Sur de nombreux marchés, les investisseurs renoncent aux rénovations qui prennent beaucoup de temps", explique M. Rhoads. "Sans connaître l'évolution du marché et des taux d'intérêt, beaucoup pensent qu'ils risquent de se retrouver sous l'eau à la fin de la rénovation."

Investissez dans la location plutôt que dans les biens immobiliers individuels. En attendant que l'économie se redresse, la récession est un bon moment pour devenir propriétaire. Comme nous l'avons dit, les logements locatifs seront plus demandés, ce qui fera augmenter les loyers.

  • Seul Nostradamus le sait

"Si quelqu'un a déjà fait fortune grâce au marché de l'immobilier, c'est une personne très modeste, car je n'en ai jamais entendu parler", déclare M. Schwertz. "Je pense que les acquéreurs et les vendeurs auront de belles opportunités en sachant que ceux qui sont actifs dans un marché difficile seront probablement plus sérieux que les tire-au-flanc et les testeurs de marché lorsque le marché est fort."

Selon M. Rhoads, il est essentiel de faire preuve de diligence lorsqu'il s'agit de profiter de l'une ou l'autre de ces opportunités. "Veillez à effectuer des recherches approfondies avant de faire une offre."

"Et il est toujours judicieux de consulter un agent immobilier, car il peut vous aider à mieux comprendre les tendances et les perspectives du marché."


Il ajoute : "Cela dit, si vous vous renseignez bien et que vous jouez bien vos cartes, une récession peut être un excellent moment pour investir dans l'immobilier."

Article traduit sur Forbes et Clever

25 mai 2023

Un effondrement alimentaire se profile : la sécheresse persistante contraint les agriculteurs à abandonner leurs champs de céréales

La sécheresse qui sévit dans une grande partie de l'Amérique (comme pour l'Europe) contraint les producteurs de céréales à abandonner une partie de leur récolte à un rythme jamais atteint depuis plus d'un siècle.

Selon le ministère américain de l'agriculture (USDA), les producteurs, en particulier dans la région des plaines américaines, ne devraient récolter qu'environ 67 % des surfaces ensemencées, soit le taux de récolte le plus bas depuis 1917.

Le taux élevé d'abandon s'explique par des années de conditions météorologiques exceptionnelles dans les Grandes Plaines, qui ont fait des ravages dans les champs de céréales américains. De nombreux plants de céréales plantés cet hiver ont été rabougris par le manque d'humidité, ce qui les a rendus incapables de produire les épis qui sont récoltés pour leurs nutriments.

Les agriculteurs qui n'ont pas récolté une grande partie de leurs terres déposent des demandes d'indemnisation au titre de l'assurance-récolte pour les superficies non récoltées ou abandonnent complètement le blé pour semer autre chose.

Justin Gilpin, directeur général du groupe commercial Kansas Wheat, a annoncé que son organisation était sur le point d'effectuer une tournée au Kansas, le premier État producteur de blé du pays, pour permettre aux analystes de faire des relevés de champs et de faire des estimations de production.

"Nous verrons du blé court, des brins minces, du blé qui a l'air très bon et beaucoup de champs qui ne seront pas récoltés", a-t-il déclaré.

Le blé du Kansas et du Texas souffre beaucoup

Au total, quelque 37,5 millions d'acres ont été ensemencés l'automne dernier, soit en blé tendre rouge, soit en blé dur rouge d'hiver. Selon les estimations du ministère de l'agriculture, seuls 25,3 millions de ces acres de céréales ont produit des grains dignes d'être récoltés.

Sur les 67 % de céréales qui peuvent être récoltées, l'USDA a noté que seulement 28 % de cette récolte a été jugée en bon ou excellent état.

Le blé tendre rouge d'hiver est principalement utilisé pour l'alimentation animale et les aliments transformés, tandis que le blé dur rouge d'hiver est utilisé dans les produits de boulangerie. Le blé hard red représente environ 40 % de la production totale de céréales aux États-Unis et peut être cultivé comme culture de rapport ou comme culture de couverture.

Au Kansas, premier producteur de blé de force rouge d'hiver, environ 10 % de la récolte a été abandonnée. En revanche, au Texas, 65 % des surfaces de blé hard red ont été abandonnées.

Ces deux taux d'abandon sont bien supérieurs aux moyennes historiques de 6 % pour le Kansas et de 55 % pour le Texas au cours des dix dernières années. Ils sont également bien supérieurs au taux d'abandon prévu par la société d'analyse agricole Gro Intelligence, qui était de 8 % au Kansas et de 60 % au Texas.

Les conditions pénibles dans lesquelles se trouve le blé dur rouge d'hiver du pays sont soulignées par le rapport de l'USDA sur l'état des cultures. Au Kansas, seulement 11 % des cultures sont dans un état bon à excellent, ce qui est bien inférieur à la moyenne quinquennale de 38 %. Au Texas, au Nebraska et en Oklahoma, l'état des céréales de force rouge d'hiver n'est guère meilleur, avec respectivement 20 %, 12 % et 7 %.

Hausse des prix à terme du blé, les analystes prévoyant d'autres problèmes pour les cultures

L'USDA a averti que le taux élevé d'abandon entraînera les réserves américaines de céréales à des niveaux inférieurs aux prévisions des analystes. On s'attend à ce que les niveaux soient les plus bas depuis 16 ans.

Cette situation maintiendra les prix intérieurs à un niveau élevé et entraînera une augmentation des importations de céréales en provenance de producteurs rivaux, tels que le Canada et l'Argentine.

Les inquiétudes concernant l'insuffisance de l'offre de blé aux États-Unis et les troubles actuels dans la mer Noire causés par l'opération militaire spéciale russe en Ukraine entraînent une hausse des prix à terme du blé.

Les contrats à terme pour le blé de force rouge d'hiver, la variété de base cultivée dans les États frappés par la sécheresse comme le Kansas, l'Oklahoma et le Texas, ont bondi de près de sept pour cent après la publication des données de l'USDA. Il s'agit du gain intra-journalier le plus important pour le contrat le plus actif depuis octobre 2022.

  • L'effondrement de la chaîne alimentaire est imminent : La guerre mondialiste contre les émissions d'azote met en péril l'ensemble de l'approvisionnement alimentaire mondial

Partout dans le monde, les gouvernements adoptent des politiques de lutte contre les émissions d'azote qui mettent en péril la chaîne alimentaire mondiale.

Les partisans de cette "guerre contre l'azote" affirment que l'excès d'azote dans l'environnement est dangereux et pollue la terre, l'eau et l'air. Ils affirment même qu'il appauvrit la couche d'ozone.

Les Nations unies sont à l'avant-garde de ces affirmations, suggérant sans preuve que l'azote ne contribue pas seulement au soi-disant changement climatique, mais que la pollution azotée constitue également une menace pour la santé humaine et nuit à l'économie mondiale.

L'azote est un nutriment primaire essentiel à la survie de tous les organismes vivants sur terre", a admis Leticia Carvalho, coordinatrice principale de la branche "Eaux douces et marines" du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE). "Mais le monde doit prendre conscience des problèmes posés par les déchets azotés et des possibilités d'action commune en vue de leur utilisation durable.

Le Sri Lanka et les Pays-Bas à la pointe de la "guerre contre l'azote

Le Sri Lanka et les Pays-Bas sont deux des principaux pays à mener la "guerre à l'azote" mondialiste.

En avril 2021, le gouvernement sri-lankais dirigé par le président de l'époque, Gotabaya Rajapaksa, a interdit l'utilisation de tous les engrais chimiques dans cette petite île de 22 millions d'habitants.

Environ un an après cette décision, le gouvernement a été contraint, à la suite de nombreuses manifestations, de revenir sur cette interdiction qui avait entraîné un effondrement rapide des rendements alimentaires, certaines estimations faisant état d'une baisse annuelle d'au moins 30 % des rendements en paddy.

"Je ne me souviens pas d'une époque où nous avons dû lutter autant pour obtenir une récolte décente", déplorait à l'époque W.M. Seneviratne, 65 ans, dans le village d'Agbopura, à l'est du Sri Lanka. "L'année dernière, nous avons obtenu 60 sacs [de riz] sur ces deux acres. Mais cette fois-ci, nous n'en avons obtenu que 10."

"Ces cultures ont besoin d'urée. Le compost n'est tout simplement pas suffisant et nous n'avons même pas reçu d'engrais organique distribué par le gouvernement"
, a-t-il ajouté. L'urée, un engrais chimique largement utilisé et peu coûteux contenant 46 % d'azote, est un élément essentiel du cycle de vie des cultures pour les agriculteurs du monde entier comme M. Seneviratne.

Aux Pays-Bas, le gouvernement de coalition néerlandais vient de recevoir le feu vert de l'Union européenne pour mettre en œuvre un plan visant à réduire de moitié les émissions d'azote d'ici à 2030 en expropriant les agriculteurs du pays.

Ce plan prévoit de réserver près de 1,5 milliard d'euros (1,64 milliard de dollars) aux agriculteurs disposés à vendre "volontairement" leurs exploitations à l'État en échange d'une indemnisation conséquente. Tous les travaux agricoles sur les terres saisies seraient alors immédiatement interrompus afin d'éviter des émissions d'azote à grande échelle dans la région. Quelque 3 000 exploitations devraient être saisies au cours des prochaines années.

De nombreux autres pays pourraient bientôt se joindre aux attaques contre les agriculteurs pour leurs émissions d'azote prétendument nocives, en particulier les pays qui se sont engagés à réduire leurs émissions d'azote.

Article traduit sur FSN

24 mai 2023

FLASH - La France prise dans l'engrenage de la violence : les vraies causes de cette contagion

Policiers tués par un chauffard, infirmière tué au CHU de Reims, attaques contre les élus, explosion des fusillades à Marseille, génération AK 47,.... Faut-il s'attendre à ce que la France - un pays violent - soit de plus en plus confrontée à des graves problèmes de sécurité ? Quand est-ce que l'Etat, méritant le carton rouge, va se réveiller avant que ça pète de tous les côtés et que le pays entier sombre dans le chaos voire la guerre civile ?

ANALYSE - L'explosion des actes de violence, cet été, a fait éclater au grand jour une réalité déjà ancienne : plus aucun territoire en France n'est épargné. Face à cette banalisation, des policiers, des magistrats et des élus proposent des solutions aux défaillances de l'État.

En ce dernier week-end du mois d'août, le quartier de la gare du Nord ne désemplit pas. Les touristes sont encore nombreux et les voleurs de bagages toujours à l'affût des voyageurs les plus vulnérables ou les plus distraits. « Ce quartier de la capitale est un concentré de délinquance, confie un policier qui patrouille dans le secteur. C'est une véritable cour des Miracles. Nous sommes cernés par la consommation de crack, les trafics de drogue, les pickpockets, les vols en tout genre. »

Un homme visiblement choqué arrive. Il décrit aux policiers un individu qui vient de lui arracher sa chaîne en or. Le suspect, qui ne se ­cachait pas, est rapidement interpellé. Il n'exprime aucune émotion et se laisse menotter sans résistance. Détaché, presque flegmatique, c'est un jeune Afghan, en situation irrégulière. Il ne répond pas aux questions des policiers. « La situation sur le terrain se dégrade, affirme l'un d'eux. Les vols et les agressions augmentent, mais ce qui nous frappe le plus, c'est cette désinhibition. Les délinquants ont bien compris qu'en France, ils ne risquaient pas grand-chose, à part un rappel à la loi. »

Vérification faite par l'équipage, l'individu est « connu pour une trentaine de faits délictueux, il est en situation irrégulière et, pourtant, il continue à sévir dans la rue » : « Aujourd'hui, il sera mis en garde à vue et probablement libéré très vite, pour recommencer aussitôt, soupire le policier. On aura préservé la société de ce prédateur pour quelques heures ­seulement et il y en a beaucoup d'autres. On a vraiment l'impression que notre boulot revient à vider le tonneau des Danaïdes… c'est sans fin. Et la victime n'obtiendra certainement jamais réparation. »

La réputation de la gare du Nord n'est plus à faire, mais la notion de « quartier chaud » a-t-elle encore un sens, alors que c'est précisément la diffusion de la délinquance sur la ­totalité du territoire qui frappe les ­esprits ? À Paris, le Trocadéro n'a plus rien à envier à la Goutte-d'Or. En province, des villes autrefois réputées tranquilles comme Nantes connaissent désormais cet « ensauvagement » admis, fin juillet, par Gérald Darmanin dans son ­interview au Figaro. Agression de pompiers et de policiers à Limoges le 2 août ; à Boulogne-sur-Mer, le 10 ; attaque au couteau à Grenoble, le 11 ; à Niort, le 28 ; multiplication des vols et des rodéos urbains à Lyon, tout l'été… le phénomène se propage à tous les territoires, même si, quantitativement, la capitale et les grandes métropoles restent les plus touchées.

Conscient des effets ravageurs de cette généralisation, le ministre de l'Intérieur a passé une grande partie de son été sur le terrain aux côtés des forces de l'ordre, avec des annonces conçues pour frapper l'opinion, comme cette obligation faite à chaque commissariat d'opérer au moins trois contrôles par jour pour faire cesser les rodéos urbains. Dans ce cas, la politique du chiffre ne marche pas toujours, selon Matthieu Valet, commissaire et porte-parole du Syndicat indépendant des commissaires de police (SICP) « Les interpellations à répétition sans poursuite où, quelques heures après, l'auteur du rodéo est dehors, c'est le meilleur moyen de démotiver les policiers, tempête-t-il. Cela tue le sens de notre travail. Faire des opérations à la chaîne pour faire du chiffre, mais sans suite judiciaire, c'est contre-productif. Plutôt que demander plus de contrôles, il faudrait d'abord arrêter de nous noyer sous la paperasse dès qu'on procède à une ­interpellation, et surtout nous donner un cadre juridique qui protège les policiers lors de leurs interventions. Tout en apportant une réponse plus ferme de la justice. L'explosion de la délinquance est le résultat d'une lâcheté collective. Dès qu'il s'agit de violences physiques, il faudrait des condamnations d'un an au minimum. »

Policier en Seine-Saint-Denis depuis 2009, Karim partage cette analyse. Affecté aux quartiers sensibles, l'homme se dit lassé de ce sentiment d'impunité, mais surtout de cette ­banalisation des faits de délinquance et de violence : « Aujourd'hui, tout est filmé, partagé sur les réseaux sociaux avec légèreté, et rien n'est jamais grave. J'ai récemment interpellé un proxénète qui prostituait une­ adolescente, de sa cité, âgée de 14 ans. Il ne comprenait pas ce qu'on pouvait lui reprocher. » Défaillance des ­parents, communautarisme, ­influence néfaste des grands frères, laxisme de la justice, manque de soutien de la hiérarchie…

Karim n'a que des mots très durs contre ce qui constitue, selon lui, une chaîne de responsabilités qui accentuent les difficultés sur le terrain. « Je suis toujours très motivé, précise le gardien de la paix, mais je ne fais plus rien. J'interpelle quand je n'ai pas le choix. Pourquoi se démener alors que la justice ne condamne pas ? On arrête des délinquants et on les retrouve libres quelques heures après. Ça n'a pas de sens. Si j'en fais plus et que cela se passe mal lors d'une intervention, je risque de perdre mon travail. Aujourd'hui, les policiers sont en première ligne de tous les risques, y compris ceux de la ­machine à broyer administrative. »

Démotivation

Policier dans la métropole lilloise, Mourad tient le même discours. Ce trentenaire connaît bien les quartiers difficiles de l'agglomération pour y avoir grandi. Il constate avec amertume la dégradation de la situation et la banalisation de la délinquance. Toujours aussi motivé par sa mission de service public, le policier plaide pour plus de bon sens et de fermeté. « Il ne s'agit pas de jouer les cow-boys et d'embraser les quartiers, tempère-t-il, mais il est absolument nécessaire de reprendre du terrain, pour cela il faut nous donner les moyens de faire correctement notre travail, mais aussi être appuyé par la justice avec une ­réponse pénale ferme. »

Cette impression de laisser-aller et cette démotivation des forces de l'ordre, Christiane les constate de plus en plus chaque jour. Cette aide-soignante à la retraite vit depuis près de 38 ans à Bobigny dans la cité de l'Abreuvoir. Dans ce quartier sensible, les rodéos urbains sont légion et les dealers de drogue ne se cachent pas. « Ce qui a changé, raconte Christiane, c'est l'âge des délinquants. Ils sont de plus en plus jeunes, ils ont entre 10 et 16 ans, installent des canapés dans les halls d'immeubles, fument, boivent, prennent du gaz hilarant font du rodéo avec des motos ou des quads, ils embarquent même avec eux des ­bébés de 2 ou 3 ans, c'est de la folie ! Où sont les parents ? On n'appelle plus la police, car on nous répond toujours la même chose : on ne peut rien faire. Et nous subissons des représailles. Les jeunes urinent sur nos paillassons ou défoncent nos portes pour nous intimider. »

Habitante d'un quartier sen­sible, Christiane a le sentiment d'être abandonnée par les pouvoirs publics. Comme beaucoup de ses voisins, elle réclame « plus de sévérité envers ces délinquants. »

« On parle du laxisme de la justice, mais on devrait plutôt parler du laxisme de l'État, et même d'un bilan de faillite de l'État dans le domaine de la justice », s'insurge Béatrice Brugère, présidente d'Unité magistrats FO. Selon elle, « c'est l'exécution des peines, prison, amendes ou TIG, qui n'est absolument pas à la hauteur des attentes ». En matière de violences contre les forces de l'ordre, par exemple.

En 2020, le garde des Sceaux a adressé une directive aux procureurs leur enjoignant de privilégier la procédure accélérée de la comparution immédiate. « Ce qui revient à leur demander de s'en tenir à une qualification délictuelle des faits y compris en cas de guet-apens, explique l'ancienne juge. Pourtant, les circonstances aggravantes de bande organisée, de guet-apens, d'usage ou menace d'une arme de l'article 222-14-1 du code ­pénal, qui prévoit dix à quinze ans de réclusion criminelle, répondent parfaitement aux actes de violences les plus graves subis par les forces de l'ordre quotidiennement. »

Le facteur culturel

Une autre magistrate, pénaliste, conteste elle aussi le manque de sévérité de sa corporation. Selon elle, c'est la population délinquante qui a changé. Ancienne juge d'instruction et avocat général, la « perte de repères » chez les jeunes n'est pas pour elle un sujet de thèse, mais une réalité concrète. Elle se retrouve « tous les jours ou presque, face à des auteurs d'agression qui revendiquent leur geste » : « Ils sont persuadés qu'ils ont eu raison, qu'ils ne pouvaient pas faire autrement. Qu'il s'agisse du coup de couteau donné pour un mauvais ­regard, du passage à tabac du petit ami de la sœur s'il n'appartient pas à la “bande” ou d'une “jambisation”, autrement dit d'un règlement de comptes à coups de tir dans les jambes ».

Le mot et la méthode étaient principalement utilisés par les dealers en Seine-Saint-Denis il y a une dizaine d'années, aujourd'hui, ils sont connus dans tous les quartiers où ­sévissent les trafiquants de drogue. « Jambisation » est la traduction des « gambizzazioni » de la mafia italienne. Comme elle, beaucoup de ­délinquants, surtout parmi les jeunes, vivent dans un monde qui a ses propres codes. « Ils n'en connaissent pas d'autre, soupire la magistrate, qui décrit « un modèle familial qui n'a plus rien à voir avec celui qui prévalait il y a trente ans, avec des mères seules mais aussi d'autres, d'origine africaine, où la mère et la ou les belles-mères cohabitent avec un père qui ne s'occupe pas des enfants. Cette polygamie de fait est plus fréquente à Bobigny qu'en Lozère et notre ­interlocutrice ne veut pas généraliser les causes de la délinquance, mais elle constate un schéma récurrent ».

« Je pensais que les phénomènes de bandes de plus en plus en plus violentes étaient une question sociale, mais ce n'est pas que cela, confirme Najwa el-Haïté, adjointe au maire d'Évry-Courcouronnes et, par ailleurs, avocate. Il y a aussi un facteur psychologique et un facteur culturel, et ce n'est pas être facho de le dire ! Nous sommes face à des comportements claniques, régis par les codes du groupe qui l'emportent sur les lois de la République. Ce sont des sociétés parallèles ».

À Orléans, Serge Grouard, maire depuis 2001, a mis en place un groupe de traitement de la délinquance dès le début de son premier mandat. « On a eu la chance d'avoir un procureur de la République extrêmement volontaire », souligne-t-il. Ce groupe ne se contente pas d'examiner la situation générale : il se penche sur des cas précis – tel individu, telle famille – et examine les mesures possibles.

Et ça marche. Élu avec son étiquette Les Républicains sur le thème de la lutte contre l'insécurité, Serge Grouard a obtenu des résultats qu'il met volontiers en avant. Il en a même fait un livre l'an dernier. « Quand je suis arrivé à la mairie, raconte-t-il, il y avait des meurtres en pleine ville et presque autant de voitures brûlées qu'à Strasbourg, sans parler des ­rodéos. On a pris l'ensemble du problème à bras-le-corps. Aujourd'hui, la délinquance dite de proximité a baissé dans tous les quartiers sans exception et pour toutes les rubriques, agressions et dégradations de biens comprises. » Son plus grand motif de fierté : la part des mineurs dans la délinquance a elle aussi diminué.

Le discours des maires socialistes ou écologistes qui se défaussent des problèmes d'insécurité sur l'État – Anne Hidalgo à Paris et Éric Piolle à Grenoble en tête – l'horripile. Selon lui, « le principe de compétence général des maires leur permet de se saisir de tout ce qui ne leur est pas interdit ». Cette conception de ses attributions lui a valu plusieurs conflits juridiques. « L'un des premiers arrêtés que j'ai pris en 2001 et qui a fait beaucoup parler c'est un couvre-feu entre 23 heures et 6 heures du matin pour les moins de 13 ans. Le préfet nous a déférés en justice pour atteinte aux libertés fondamentales. Il a perdu. Ensuite, l'État a fait appel devant le Conseil d'État, qui nous a aussi donné raison. »

Rétablir des peines courtes

Rebelote en 2014, quand Serge Grouard, réélu dès le premier tour, crée une délégation chargée de lutter contre l'immigration clandestine. « Face aux pressions de l'État, j'ai ­modifié l'intitulé de la délégation mais pas sa mission », raconte le maire, qui rappelle que comme tous ses collègues, il lui revient de délivrer les attestations de séjour aux étrangers et de vérifier leur statut en cas de mariage avec un Français. « On va bien sûr me faire des procès d'intention, soupire-t-il, mais j'assume d'affirmer qu'entre 70 et 80 % des personnes interpellées pour des actes de délinquance sont issues de l'immigration au sens de l'Insee (née en France d'au moins un parent immigré, soit 21,6 % de la population en 2020, selon les travaux réalisés par la démographe Michèle Tribalat à partir des données de l'Insee, NDLR). La défaillance de l'autorité parentale est en particulier l'une des premières causes de la délinquance des jeunes et elle est plus fréquente dans les familles issues de l'immigration. »

Autre caractéristique remarquable dans l'explosion de la délinquance : dans la majorité des cas, les auteurs sont connus des services de police et/ou de justice. « Quand j'ai commencé à exercer il y a plus de trente ans, témoigne un juge, un casier long portait 10 condamnations. Aujourd'hui, j'en vois fréquemment qui en comportent entre 20 et 30. »« L'idée qu'il faut laisser une deuxième, une troisième, une énième chance à un délinquant est très présente non seulement chez une partie des magistrats, mais dans certaines élites et chez la plupart des journalistes, dénonce Thibault de Montbrial, président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure. C'est une manière de penser le droit pénal qui date des années 1970, et que les délinquants d'aujourd'hui interprètent en général comme un signe de faiblesse. La dernière réforme du code pénal des mineurs, initiée par Nicole Belloubet et mise en place par Éric Dupond-Moretti, illustre parfaitement ce contresens. Désormais, le jeune délinquant est déféré très rapidement devant un juge, mais la sanction est reportée de plusieurs mois, le temps de voir comment le jeune se comporte. C'est un mécanisme qui est intellectuellement séduisant, mais beaucoup trop subtil pour ce type de délinquants. Un jeune qui ressort libre d'un tribunal se dit : “génial, je n'ai rien eu.” Il faut inverser le paradigme : il faut une sanction pénale significative dès la première condamnation – qui, en général, n'est d'ailleurs pas le premier délit ! »

« Significative ne veut pas dire excessive, précise-t-il. Les pays du Nord ont des prisons dédiées aux mineurs pour des détentions très courtes. Ils peuvent y être placés cinq jours seulement, avec un accompagnement, bien sûr. Il faut que le jeune se dise j'ai touché, ça brûle, pour que ça constitue un avertissement tangible et pas abstrait, sans qu'il risque d'être viré de ses études, de perdre son boulot, sa copine ou son logement. »

Entre les démarches administratives, les recours et les travaux proprement dits, construire une prison prend quasiment dix ans. Des établissements pénitentiaires dédiés aux peines courtes, sans système de sécurité lourd, pourraient sans doute être construits plus vite, à moindres frais et sans soulever la même opposition du voisinage. Ce serait une façon de répondre à ce qu'un magistrat appelle les « injonctions contradictoires » auxquelles sont soumis les juges : « L'opinion publique veut des peines lourdes, mais l'État lui demande de vider les prisons. » Rappelons que les peines courtes – inférieures ou égales à un mois – n'existent plus. Les peines de moins de six mois doivent être aménagées, sauf motivation particulière, par exemple quand les alternatives à la prison ont déjà été utilisées et qu'elles ont échoué. Les peines de moins de deux ans sont soumises à peu près au même régime, sauf quand le condamné est en récidive. 

  • Alors que les maires français sont la cible d'attaques violentes, beaucoup se sentent abandonnés et certains démissionnent !

MAYOR BASHING - Moins de deux mois après avoir perdu sa maison dans un incendie criminel, le maire d'une ville de l'ouest de la France a démissionné cette semaine, invoquant notamment un "manque de soutien de la part de l'État". Dans un contexte politique de plus en plus tendu, les attaques contre les maires se multiplient en France. Et certains disent qu'ils ont été abandonnés à leur sort.  

Le 22 mars, à l'aube, Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, dans l'ouest de la France, s'est réveillé et a trouvé sa maison en flammes.

"Nous aurions pu mourir", a écrit M. Morez dans la lettre de démission qu'il a présentée mardi. Ni lui ni sa famille n'ont été blessés, mais l'incendie a détruit sa maison et deux voitures garées à l'extérieur. L'incendie était une attaque délibérée et ciblée.

Près de deux mois plus tard, l'enquête est toujours en cours. Mais M. Morez a déjà décidé de prendre un nouveau départ et prévoit de quitter la ville où il vit depuis 32 ans d'ici à la fin du mois de juin.

Le président Emmanuel Macron a exprimé sa solidarité avec le maire dans un tweet au lendemain de sa démission, qualifiant les attaques de "honteuses".

    Les attaques contre Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, et contre sa famille, sont indignes. À cet élu de la République, à son épouse et ses enfants, je redis ma solidarité et celle de la Nation.
    - Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 11 mai 2023
Ancien médecin, M. Morez était maire de Saint-Brevin, qui compte environ 14 000 habitants, depuis 2017. Dans les mois précédant l'attentat, la ville avait été secouée par des manifestations d'extrême droite contre le projet de déplacer un centre local d'hébergement pour demandeurs d'asile à proximité d'une école primaire.

Saint-Brevin accueille des migrants depuis le démantèlement, en 2016, du camp de la "Jungle" près de Calais, sur la côte nord de la France.

"Nous n'avons jamais eu le moindre problème" avec les migrants, a déclaré M. Morez lors d'un entretien avec un journaliste quelques jours après l'attaque.

Mais les manifestations organisées par des groupes d'extrême droite ont été accompagnées de menaces répétées à l'encontre de M. Morez, qui avait déposé de nombreuses plaintes depuis janvier de l'année dernière.

Dans un contexte politique de plus en plus tendu, avec un soutien croissant aux idéologies d'extrême droite et une méfiance grandissante à l'égard des institutions, les maires français commencent à se sentir en danger.

Manque de soutien

M. Morez a expliqué les raisons de sa démission dans un communiqué de presse. Après une longue période de réflexion, il a pris la décision de démissionner en invoquant non seulement des "raisons personnelles" liées à l'incendie criminel, mais aussi un "manque de soutien de la part de l'État". L'ancien maire affirme que peu ou pas de mesures de sécurité ont été mises en place pour le protéger, lui et sa famille, malgré des demandes d'aide répétées.

"Son sentiment d'abandon peut être compris de différentes manières", explique Bruno Cautrès, chercheur en sciences politiques au Centre national français de la recherche scientifique (CNRS). Bien que des élus locaux se soient manifestés pour exprimer leur soutien, le maire estime qu'aucune mesure visible et concrète n'a été prise pour l'aider.

"Il est vrai que la population nationale n'a appris que le maire était menacé qu'après sa démission", a déclaré M. Cautrès.

Le gouvernement n'est pas d'accord. La secrétaire d'État chargée de la ruralité, Dominique Faure, a insisté sur le fait que l'État français avait pris des mesures concrètes pour soutenir M. Morez.

"Je ne peux pas laisser passer ça", a-t-elle tweeté, avant d'énumérer les moyens mis en œuvre par l'État pour le soutenir. "Nous avons mis en place des contrôles de police réguliers devant sa maison, enregistré son domicile pour que les autorités puissent intervenir [en cas d'incident] et assuré la sécurité lors des manifestations contre le centre d'asile."

Mais selon un article du quotidien "Libération", "la plupart des mesures de sécurité n'ont été prises qu'après l'incendie de la maison de M. Morez. Après avoir tiré la sonnette d'alarme auprès des autorités locales en janvier 2022 au sujet des actes d'intimidation quotidiens auxquels il était confronté, M. Morez a finalement porté la question à l'attention du procureur de Nantes en février 2023, demandant une équipe de sécurité personnelle pour le protéger, lui et sa famille. Il a reçu une réponse indiquant que les autorités étaient encore en train d'évaluer les risques pour déterminer si une équipe de sécurité était nécessaire. Moins de deux semaines plus tard, M. Morez avait démissionné."

La création de centres d'accueil pour les migrants fait partie d'une politique gouvernementale nationale supervisée par le premier ministre et le ministre de l'intérieur. Mais M. Morez "s'est senti livré à lui-même lorsque se sont posées les questions liées à l'hébergement des demandeurs d'asile", explique M. Cautrès.

"Il aurait sans doute souhaité que le gouvernement lui explique mieux [la politique] et le guide tout au long du processus", a déclaré M. Cautrès. "Ils auraient pu travailler avec lui pour sensibiliser la population locale à cette question et apaiser les inquiétudes des habitants.

La menace que représentent les opposants au centre d'asile aurait également pu être signalée plus tôt. Après les manifestations répétées organisées à Saint-Brevin par le parti d'extrême droite Reconquête, dirigé par l'ancien candidat à la présidence Éric Zemmour, "j'ai du mal à imaginer que la police n'ait pas su qui était une menace potentielle", a déclaré M. Cautrès. "Le maire a probablement estimé que la gendarmerie aurait pu intervenir avant que les choses ne dégénèrent."

Le manque de soutien dont a souffert M. Morez est un sentiment partagé par de nombreux maires en France, qui sont de plus en plus souvent la cible d'agressions et d'attaques.

Un métier dangereux

Selon une enquête publiée en novembre 2022 par le Centre de recherches politiques de Sciences Po Paris et l'Association des maires de France, 53 % des maires avaient subi des "incivilités" (impolitesse ou agression) en 2020 ; en 2022, 63 % d'entre eux avaient été victimes d'un tel harcèlement.

Dans un pays où plus de la moitié des communes comptent moins de 500 habitants, il est facile de savoir où vit le maire. Ils sont très souvent en contact étroit avec leurs communautés. Si les attaques contre d'autres élus, comme les députés, sont également devenues plus fréquentes, les maires sont "les plus exposés", selon M. Cautrès.

Mais contrairement à l'incendie criminel dont a été victime M. Morez à Saint-Brevin, les maires sont surtout préoccupés par la violence qui n'a pas d'idéologie. Les "cas liés à la vie quotidienne" sont plus préoccupants, explique M. Cautrès. "Comme recevoir une lettre de menace parce qu'un habitant a été sanctionné pour avoir fait du feu dans son jardin."

Le maire de Firminy (Loire), Julien Luya, a été agressé en janvier par un groupe de jeunes habitants qui vendaient de la drogue. Après qu'ils ont allumé un feu pour se réchauffer, le maire est intervenu et leur a dit que c'était contraire à la loi. Il a été violemment frappé à coups de pierres et de barres de fer et s'en est sorti avec une blessure au coude.

"À Saint-Brevin, les habitants n'étaient pas les seuls à manifester contre le centre d'asile," a déclaré M. Cautrès. "Les manifestants d'extrême droite venaient des quatre coins de la France. C'est une distinction importante à faire".

L'association des maires a déclaré au journal français "Le Parisien" qu'environ "1 500 agressions contre des fonctionnaires municipaux avaient été signalées en 2022, soit une augmentation de 15 % par rapport à l'année précédente. La moitié de ces agressions étaient des insultes, 40 % des menaces et 10 % des violences volontaires".

Selon l'association, 150 maires ont été physiquement visés en raison de tensions locales ou idéologiques.

Le bas de la chaîne alimentaire

M. Cautrès et l'association des maires expliquent la hausse des agressions par les tensions persistantes dans la société française, qui a connu ces dernières années de multiples crises, notamment le mouvement des Gilets jaunes, Covid-19, l'inflation et la réforme très contestée des retraites.

"Il y a un déclin général de la confiance et du respect envers les institutions, tout ce qui représente une autorité hiérarchique"
, a expliqué M. Cautrès. Par rapport à d'autres pays européens, "la vision qu'ont les Français de la politique en général est l'une des plus négatives".

Les maires sont également confrontés à une population "de plus en plus exigeante et de plus en plus frustrée de ne pas obtenir ce qu'elle a demandé", a ajouté M. Cautrès.

Du côté des élus, le consensus général semble être qu'il faut durcir les conséquences pour les auteurs d'attentats. Le Premier ministre Élisabeth Borne a soutenu cette idée à la suite de l'incendie criminel du domicile de M. Morez.

"Ce qui s'est passé est très choquant", a-t-elle déclaré jeudi, lors d'une visite à La Réunion, territoire français de l'océan Indien. Elle a ajouté qu'elle souhaitait "mieux protéger les maires (...) intervenir plus tôt pour les soutenir, identifier leurs difficultés et mieux les accompagner".

Des mesures visant à mieux protéger les maires sont déjà en cours d'élaboration. En janvier 2023, une loi visant "à mieux soutenir les élus pour rompre leur isolement juridique est entrée en vigueur. Elle permet à des groupes nationaux tels que l'association des maires, ainsi qu'aux assemblées législatives, de se porter partie civile en cas d'agression d'un élu. La loi facilitera l'accès au dossier de la victime et permettra aux associations et aux assemblées législatives de désigner des avocats."

Pendant ce temps, dans le sud de la France, les élus prennent les rênes. Quelque 2 000 maires de la région Occitanie se sont réunis mardi à Montpellier pour faire part de leurs inquiétudes face à la violence croissante dont ils sont victimes.

"Les maires ont l'impression qu'on leur demande de tout résoudre eux-mêmes", a déclaré M. Cautrès à propos de la réunion. "Mais ils ne peuvent pas."

Sources : Le Figaro et F24

23 mai 2023

CARTON ROUGE - Le problème des personnes fictives - Quand l'IA déshumanisera la civilisation actuelle !

Les entreprises qui utilisent de l'IA pour générer de fausses personnes commettent un acte de vandalisme immoral, et devraient être tenues pour responsables.

La circulation de la monnaie existe depuis plusieurs milliers d'années et, dès l'origine, la contrefaçon a été reconnue comme un crime très grave, qui, dans de nombreux cas, appelle la peine capitale parce qu'il sape la confiance dont dépend la société. Aujourd'hui, pour la première fois dans l'histoire, grâce à l'intelligence artificielle (IA), il est possible pour quiconque de fabriquer des personnes fictives qui peuvent passer pour vraies dans un grand nombre des nouveaux environnements numériques que nous avons créés. Ces personnes fictives sont les artefacts les plus dangereux de l'histoire de l'humanité, capables de détruire non seulement les économies, mais aussi la liberté humaine elle-même. Avant qu'il ne soit trop tard (il est peut-être déjà trop tard), nous devons interdire à la fois la création de personnes fictives et la "transmission" de personnes fictives. Les peines encourues pour l'un ou l'autre de ces délits devraient être extrêmement sévères, étant donné que la civilisation elle-même est en danger.

Il est terriblement ironique que l'engouement actuel pour faire croire aux gens qu'ils interagissent avec une personne réelle soit né de la proposition innocente d'Alan Turing, en 1950, d'utiliser ce qu'il appelait "le jeu d'imitation" (aujourd'hui connu sous le nom de "test de Turing") comme point de référence de la pensée réelle. Cette proposition a engendré non seulement une industrie artisanale, mais aussi une industrie de haute technologie financée par des fonds publics et engagée dans la fabrication de produits qui tromperont même les interlocuteurs les plus sceptiques. Notre tendance naturelle à traiter comme une personne tout ce qui semble nous parler raisonnablement - en adoptant ce que j'ai appelé la "position intentionnelle" - s'avère facile à invoquer et presque impossible à résister, même pour les experts. Nous allons tous devenir des cibles faciles dans un avenir proche.

Le philosophe et historien Yuval Noah Harari, écrivant dans The Economist en avril, a terminé son avertissement opportun sur la menace imminente de l'IA pour la civilisation humaine par ces mots :
"Ce texte a été généré par un humain. Ou bien l'a-t-il été ?"
Il sera bientôt presque impossible de le savoir. Et même si (pour l'instant) nous sommes capables de nous enseigner mutuellement des méthodes fiables pour démasquer les personnes fictives, le coût de ces 'deepfakes' pour la confiance humaine sera énorme. Comment réagirez-vous si vos amis et votre famille vous posent des questions pièges à chaque fois que vous essayez de converser avec eux en ligne ?

La création de personnes fictives numériques risque de détruire notre civilisation. La démocratie repose sur le consentement informé (et non désinformé) des gouvernés. En permettant aux personnes, aux entreprises et aux gouvernements les plus puissants économiquement et politiquement de contrôler notre attention, ces systèmes nous contrôleront. Les personnes fictives, en nous distrayant, en nous déroutant et en exploitant nos peurs et nos angoisses les plus irrésistibles, nous conduiront à la tentation et, de là, à l'acceptation de notre propre assujettissement. Les personnes fictives nous amèneront à adopter des politiques et des convictions qui nous rendront vulnérables à d'autres manipulations. Ou bien nous détournerons simplement notre attention et deviendrons des pions passifs et ignorants. C'est une perspective terrifiante.

La principale innovation technologique qui fait de la perte de contrôle de ces systèmes une possibilité réelle est que, contrairement aux bombes nucléaires, ces armes peuvent se reproduire. L'évolution ne se limite pas aux organismes vivants, comme l'a démontré Richard Dawkins en 1976 dans Le gène égoïste. Les personnes fictives commencent déjà à nous manipuler pour que nous accouchions de leur progéniture. Ils apprendront les uns des autres, et les plus intelligents, les plus aptes, ne se contenteront pas de survivre, ils se multiplieront. L'explosion démographique des balais dans L'Apprenti sorcier a commencé, et nous ferions mieux d'espérer qu'il existe un moyen non magique de l'arrêter.

Il existe peut-être un moyen de retarder, voire d'éteindre cette évolution inquiétante, en s'inspirant du succès - limité mais impressionnant - obtenu par la plupart d'entre nous pour maintenir la fausse monnaie dans la catégorie des nuisances (ou bien examinez-vous attentivement chaque billet de 20 dollars que vous recevez ?)

Comme le dit Harari, nous devons "obliger l'IA à révéler qu'elle est une IA". Comment faire ? En adoptant un système de "filigrane" de haute technologie, comme la Constellation EURion, qui protège aujourd'hui la plupart des monnaies du monde. Bien qu'il ne soit pas infaillible, ce système est extrêmement difficile et coûteux à maîtriser, ce qui n'en vaut pas la peine pour presque tous les agents, même les gouvernements. Les informaticiens ont également la capacité de créer des modèles presque indélébiles qui crieront "FAKE !" dans presque toutes les conditions, à condition que les fabricants de téléphones portables, d'ordinateurs, de téléviseurs numériques et d'autres appareils coopèrent en installant le logiciel qui interrompra tout message fictif par un avertissement. Certains informaticiens travaillent déjà sur de telles mesures, mais si nous n'agissons pas rapidement, elles arriveront trop tard pour nous éviter de nous noyer dans le flot des contrefaçons.

Saviez-vous que les fabricants de scanners ont déjà installé des logiciels qui réagissent à la Constellation de l'EURion (ou à d'autres filigranes) en interrompant toute tentative de numérisation ou de photocopie de la monnaie légale ? La création de nouvelles lois dans ce sens nécessitera la coopération des principaux acteurs, mais ils peuvent être incités à le faire. Les mauvais acteurs peuvent s'attendre à des sanctions terribles s'ils sont pris en flagrant délit de désactivation des filigranes ou de transmission des produits de la technologie qui ont déjà été dépouillés d'une manière ou d'une autre de leurs filigranes. Les entreprises d'IA (Google, OpenAI et autres) qui créent des logiciels dotés de ces capacités de contrefaçon devraient être tenues pour responsables de toute utilisation abusive des produits (et des produits de leurs produits - n'oublions pas que ces systèmes peuvent évoluer d'eux-mêmes). Les entreprises qui créent ou utilisent l'IA - et leurs assureurs en responsabilité civile - devront donc faire preuve d'une grande agressivité pour s'assurer que les gens puissent facilement savoir s'ils conversent avec l'un de leurs produits d'IA.

Je ne suis pas favorable à la peine capitale pour quelque crime que ce soit, mais il serait rassurant de savoir que les principaux dirigeants, ainsi que leurs techniciens, risquent de passer le reste de leur vie en prison, en plus de devoir payer des milliards de dollars en dédommagement pour toute violation ou tout préjudice causé. Et les lois sur la responsabilité stricte, qui éliminent la nécessité de prouver la négligence ou l'intention malveillante, les maintiendraient sur le qui-vive. Les avantages économiques de l'IA sont considérables, et le prix à payer pour en profiter devrait être d'assumer le risque de condamnation et de faillite en cas de non-respect des obligations éthiques liées à l'utilisation de l'IA.

Il sera difficile, voire impossible, de nettoyer la pollution de nos moyens de communication qui s'est déjà produite, grâce à la course à l'armement des algorithmes qui propage l'infection à un rythme alarmant. Une autre pandémie s'annonce, qui s'attaque cette fois aux fragiles systèmes de contrôle de nos cerveaux - à savoir notre capacité à raisonner les uns avec les autres - que nous avons utilisés si efficacement pour nous maintenir relativement en sécurité au cours des derniers siècles.

Le moment est venu d'insister pour que tous ceux qui songent à contrefaire des personnes se sentent honteux et soient dûment dissuadés de commettre un tel acte de vandalisme antisocial. Si nous faisons savoir dès maintenant que de tels actes seront contraires à la loi dès que nous le pourrons, les gens n'auront plus aucune excuse pour persister dans leurs activités. De nos jours, de nombreux membres de la communauté de l'IA sont si impatients d'explorer leurs nouveaux pouvoirs qu'ils ont perdu de vue leurs obligations morales. Nous devrions leur rappeler, aussi brutalement que nécessaire, qu'ils risquent la liberté future de leurs proches et de nous tous.

Article traduit sur Atlantic

22 mai 2023

L'insurrection ouvrière qui a fait trembler le monde

Alors que Paris se prépare à commémorer le 150e anniversaire, la vision des communards d'une nouvelle forme de démocratie radicale divise à nouveau la France.

Il y a quelques années, alors que les cheminots manifestaient à Paris contre les réformes proposées par le gouvernement, une banderole dans la foule offrait une explosion du passé révolutionnaire de la France : "Nous nous moquons de Mai 68", disait son slogan. "Nous voulons 1871."

Ce message montrait que les manifestants n'avaient pas froid aux yeux. De nos jours, on se souvient avec nostalgie de la révolte des étudiants de 1968 et de ses injonctions : "Soyez réalistes... exigez l'impossible". Mais dans les annales des bouleversements révolutionnaires français, le souvenir de la Commune de Paris de 1871 et de ses barricades sanglantes a un statut plus sombre et plus nerveux. "Contrairement à 1789, la Commune n'a jamais été véritablement intégrée à l'histoire nationale", explique Mathilde Larrère, historienne spécialisée dans les mouvements radicaux de la France du XIXe siècle. Sauvage, anarchique et dominée par les pauvres parisiens, la Commune est détestée par la bourgeoisie libérale ainsi que par les conservateurs et les monarchistes de droite. Sa répression sauvage par l'armée française et ses propres actes de violence brutale ont créé des blessures qui n'ont jamais cicatrisé. "La Commune de 1871 ne s'est pas inscrite dans une mémoire collective consensuelle", explique M. Larrère. Dans la société respectable, elle était considérée comme inacceptable.

Mais exactement 150 ans plus tard, les "communards" reviennent sur le devant de la scène et divisent à nouveau Paris. Pour marquer cet anniversaire, la maire de Paris, Anne Hidalgo, plantera ce mois-ci un arbre commémoratif à Montmartre, le creuset de la révolte. La place Louise Michel, qui porte le nom de la plus célèbre des communardes, sera envahie par des Parisiens portant des silhouettes grandeur nature des boulangers, cordonniers et lavandières qui prirent le contrôle de la capitale en 1871. Intitulé Nous La Commune, cet événement donnera le coup d'envoi d'une série d'expositions, de conférences et de concerts, de pièces de théâtre et de lectures de poèmes, qui se dérouleront jusqu'en mai. Selon Laurence Patrice, conseillère de Paris chargée de superviser cet anniversaire, il est temps que les révolutionnaires de 1871 soient reconnus comme des pionniers radicaux : "Il s'agit d'un grand groupe de citoyens qui se sont rassemblés pour prendre leur destin en main", dit-elle. "Il y avait une modernité dans ce que la Commune représentait et ses aspirations étaient proches de ce que certaines personnes veulent aujourd'hui."

"Les communards se sont battus pour avoir des représentants politiques légitimes et responsables. Ils voulaient donner le droit de vote aux femmes, qui ont joué un rôle important dans la Commune. Ils ont défendu l'égalité salariale et réquisitionné des logements vides pour y loger les sans-abri. La Commune offre la citoyenneté aux étrangers et le libre accès au droit. Il y a beaucoup d'échos avec aujourd'hui".

Cette analyse n'a pas fait l'unanimité, c'est le moins que l'on puisse dire. Les hommages ont mis en colère les conservateurs, dont Rudolph Granier, conseiller municipal de Montmartre et membre du conseil municipal de Paris. M. Granier a l'intention de boycotter l'événement organisé place Louise Michel. "C'est une provocation", a-t-il déclaré à l'Observer. "Je suis d'accord pour une commémoration, mais pas pour une célébration. Ecoutez, quand la gauche défend la Commune, c'est la même chose que quand la gauche défend le communisme. Ils disent que les idées étaient belles, c'est juste qu'elles n'ont pas été appliquées correctement."

"Mais que l'on parle du communisme ou de la Commune, cela se termine par une effusion de sang, et si une idéologie englobe le meurtre, alors, à mon avis, ce n'est pas le rôle de la politique de célébrer cette idéologie."


Le mois dernier, lors d'une réunion enflammée à l'Hôtel de Ville de Paris, M. Granier a accusé Mme Hidalgo d'exploiter cet anniversaire pour renforcer sa position à gauche en vue de l'élection présidentielle de l'année prochaine. Les conservateurs parisiens s'opposent également aux subventions accordées à l'Association des amis de la Commune, une organisation qui, selon M. Granier, "glorifie les événements les plus violents de la Commune". Alors que les esprits s'échauffent, Le Monde consacre une page à la querelle, titrée : "La Commune de 1871 : un anniversaire extrêmement tendu". Le dernier numéro de l'hebdomadaire politique L'Express s'interroge : "Faut-il célébrer le 150e anniversaire de la Commune ?".

La réponse n'est pas évidente. L'existence de la Commune a été brève et extrêmement sanglante. En janvier 1871, la France se rend à l'armée prussienne d'Otto von Bismarck, après un siège de trois mois qui met Paris à genoux. Alors que le Second Empire français s'effondre, un nouveau gouvernement pro-monarchiste est élu pour négocier avec les Allemands. Mais dans le chaos et l'humiliation nationale, la moitié pauvre de Paris refuse de rendre les armes. Le 18 mars, les révolutionnaires s'emparent des bâtiments du gouvernement. Le président récemment élu, Adolphe Thiers, s'enfuit à Versailles.

Assiégée de toutes parts, la Commune, de plus en plus autoritaire, dure 72 jours tumultueux avant d'être sauvagement réprimée. "Jamais crise plus terrible ne s'est déroulée dans une grande ville", a écrit le romancier Emile Zola. Au moins 8 000 communards parisiens, dont beaucoup de femmes et d'enfants, sont morts sur les barricades ou ont été fusillés par les pelotons d'exécution pendant la "semaine sanglante" du 21 au 28 mai. Alors que la violence échappe à tout contrôle, l'archevêque de Paris et plus de 50 autres otages, dont de nombreux prêtres, sont tués par les communards.

L'héritage d'une expérience révolutionnaire qui a secoué l'Europe a été réquisitionné par les futures générations de communistes. Karl Marx a décrit la Commune comme le "glorieux signe avant-coureur d'une nouvelle société". Lénine y voit le précurseur de la révolution russe. En 1936, à l'époque du gouvernement antifasciste français du Front populaire, 500 000 gauchistes se sont rendus en pèlerinage au cimetière du Père Lachaise, à Paris, pour honorer les martyrs de la Commune.

Mais à la fin du XXe siècle, alors que le parti communiste français s'est retrouvé du mauvais côté de l'histoire, la Commune fait moins parler d'elle. Selon M. Larrère, la polémique actuelle témoigne d'une nouvelle pertinence, car la politique moderne redonne vie aux idéaux de la Commune. "L'interprétation communiste de 1871 était très partielle", explique-t-elle. "Les communards n'étaient pas la classe ouvrière de la théorie marxiste et la Commune n'était pas un proto-soviet d'ouvriers industriels et de soldats. Ces gens étaient les successeurs des sans-culottes de 1789 - des artisans, des petits commerçants et des producteurs. Ils voulaient une meilleure démocratie et une république plus sociale".

Un siècle et demi plus tard, dit Larrère, dans la France post-industrielle, un nouveau précariat mal payé exprime des revendications similaires. Des mouvements populaires en marge du courant politique dominant ont commencé à invoquer la mémoire de 1871. En 2016, alors que les manifestants occupaient le centre de Paris et tenaient des assemblées nocturnes sur la place de la République, celle-ci a été officieusement rebaptisée place de la Commune. Les slogans du mouvement parfois violent des gilets jaunes - "Le peuple est souverain", "Élus, vous êtes responsables" - étaient communards dans l'esprit, même si la compréhension des dates par les manifestants était parfois incertaine. Un graffiti réalisé sur le côté de la basilique du Sacré-Cœur à Montmartre, largement diffusé sur les réseaux sociaux, se lit comme suit : "La Commune de Paris de 1781" : "La Commune de Paris de 1781 [sic] / Gilets jaunes 2018".

"Il y a des points d'affinité avec le mouvement des gilets jaunes", explique M. Granier. "La révolution et la lutte contre l'injustice sont une tradition française. Mais la grande différence avec les siècles passés, c'est que nous avons aujourd'hui un État de droit. Je ne comprends pas qu'un mouvement politique veuille célébrer un mouvement insurrectionnel comme la Commune. Cela me choque."

"Les conservateurs deviennent très sensibles à ce sujet parce qu'il est là, devant eux, dans les rues et sur les murs", explique M. Larrère. "La Commune a posé des questions sur le pouvoir centralisé, la démocratie représentative et la souveraineté populaire. Les gilets jaunes ont posé les mêmes questions, bien que dans un contexte différent. Sommes-nous vraiment servis par nos élus et notre démocratie représentative ? Existe-t-il d'autres moyens d'exercer la souveraineté populaire ? Ces thèmes ont été ravivés et c'est pourquoi, à l'autre bout du spectre, il y a un refus de respecter la mémoire de la Commune".

Avec la montée des températures, le Sacré-Cœur, qui domine la place Louise Michel à Montmartre, a été pris dans la mêlée. Cette vaste basilique blanche, l'une des plus grandes attractions touristiques de Paris, a été conçue comme un acte de pénitence nationale après l'issue désastreuse de la guerre franco-prussienne. Lorsque les travaux ont commencé, financés par des dons privés, elle était inextricablement associée à l'hostilité des catholiques à l'égard de la Commune.

Pour éviter d'envoyer des messages contradictoires gênants, le conseil municipal a reporté la décision qui devait être prise cette année de classer l'église, ce qui lui permettrait de recevoir des subventions de l'État. "Il y a des gens dans la coalition d'Hidalgo qui veulent détruire le Sacré-Cœur parce qu'ils le considèrent comme un monument contre la Commune", dit Granier. "Après Notre-Dame, c'est l'église la plus visitée de Paris. Réécrire l'histoire pour marquer des points politiques n'est pas une façon digne de faire de la politique".

Patrice est quelque peu déconcerté par la fureur générale et attribue les guerres culturelles de la Commune à la volonté désespérée de ses adversaires d'afficher leurs références conservatrices : "Avec Macron, la France a un président qui prétend être au-delà de la gauche et de la droite, mais qui agit de plus en plus comme un politicien de droite. L'espace politique des conservateurs est réduit entre le président et [la dirigeante du Rassemblement national] Marine Le Pen à l'extrême droite. Cette controverse leur permet de durcir leur profil".

Elle espère qu'une fois les événements lancés, la guerre des mots sera oubliée : "Ces commémorations n'ont pas pour but de célébrer la violence. Et il faut rappeler que ce sont les communards qui ont payé le plus lourd tribut à l'insurrection, en morts et en déportations".

En ce qui concerne la controverse sur le Sacré-Cœur, Patrice adopte une attitude conciliante : "Je ne vois pas pourquoi, comme d'autres églises, elle ne serait pas classée. La décision a été reportée, c'est tout. Les gens ont avancé des arguments très agressifs, mais il s'agit de rappeler un épisode constitutif de la mémoire collective de la ville. Quand on aime Paris et qu'on y vit, il est important de connaître son histoire".

Mais les vieilles inimitiés ont la vie dure. En 1875, lors de la pose de la première pierre du Sacré-Cœur, l'un des principaux financiers de l'édifice affichait son mépris pour les communards vaincus. "Pour tous ceux qui aiment la religion et la patrie", dit Hubert Rohault de Fleury, "la construction d'une église à l'endroit où les canons ont été arrachés pour cause d'insurrection, sera une source de joie".

Article traduit sur Guardian (2021)