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6 février 2015

FLASH - Le symbole d’une société du gaspillage par l'obsolescence programmée

Cela vous est certainement déjà arrivé plus d’une fois qu'un appareil qui tombe en panne sans raison ou s'auto-détruit sans prévenir, juste après la fin de garantie. Dans ces cas-là, on ne peut s’empêcher d'être en pétard contre le constructeur. Un mouvement de mauvaise humeur qui peut se transformer en grosse colère si l’appareil en question est impossible à réparer, faute de pouvoir l’ouvrir ou parce qu’il n’y a pas de pièces de rechange !

La surconsommation à laquelle nous poussent le marketing et les stratagèmes conduit à l'épuisement des ressources telles que le lithium, qui compose nos batteries de portables ou d'ordinateur. Sa demande est en train d'exploser. Selon certains spécialistes, au vu des réserves actuellement connues, il en resterait pour un peu plus de dix ans. C'est dire l'urgence à allonger la durée de vie de nos objets pour économiser nos ressources. C'est là que le bon sens et les nouvelles technologies pourraient nous être d'un grand secours: exemples d’une cordonnerie qui bannit la notion d’obsolescence, et d’une imprimante 3D qui permet de remodeliser un objet cassé.

Il est grand temps de réagir car la planète est en train de jongler ...
« Vivre simplement pour que simplement d'autres puissent vivre... » Gandhi
Un mal récurrent, fruit de la civilisation du toujours plus est l'obsolescence programmée (OP). L'obsolescence est le nom donné à l'ensemble des techniques visant à réduire la durée de vie ou d'utilisation d'un produit afin d'en augmenter le taux de remplacement. Face à la prise de conscience du public, certains pays tentent de légiférer pour limiter le recours à l'obsolescence ou au vieillissement programmé. La non-durabilité planifiée est dénoncée de nos jours, notamment par des mouvements écologistes ou en faveur de la décroissance, ainsi que par plusieurs organisations de défense du consommateur. L'obsolescence programmée constitue un effet pervers de la société de consommation.

L'impact écologique direct est beaucoup plus préoccupant. La surconsommation crée un surplus de déchets, indépendamment de l'état de fonctionnement effectif des produits techniques mis au rebut ou de l'état d'usure des objets d'usage. L'exportation en masse de produits d'occasion en fin de vie, mais aussi de déchets, des pays de grande consommation vers des zones géographiques demandeuses de produits même périmés, ou bien où le stockage est négociable à moindre coût, est d'autant plus problématique et expose classiquement les pays receveurs à des nuisances spécifiques sur les sites de décharge de grande envergure. Le problème est aggravé du fait que cette pollution peut menacer les ressources en eau potable de ces zones, certaines régions étant encore alimentées en eau potable par des puits.

Pour Brooks Stevens, designer industriel américain, 1954, « c'est inculquer à l'acheteur le désir de posséder quelque chose d'un peu plus récent, un peu meilleur et un peu plus tôt que ce qui est nécessaire ». C'est le consommateur sous influence dont parle si bien le philosophe Dany Robert Dufour. Pour The Economist : « L'obsolescence programmée est une stratégie d'entreprise dans laquelle l'obsolescence des produits est programmée depuis leur conception. Cela est fait de telle manière que le consommateur ressent le besoin d'acheter de nouveaux produits et services que les fabricants proposent pour remplacer les anciens. »

En France, l'Agence pour les économies d'énergie (Ademe), a publié en juillet 2012 une « Étude sur la durée de vie des équipements électriques et électroniques », dans laquelle elle précise la notion d'obsolescence programmée. L'obsolescence par incompatibilité est principalement observée dans le secteur de l'informatique, cette technique vise à rendre un produit inutile par le fait qu'il n'est plus compatible avec les versions ultérieures. On retrouve encore une fois ce type d'obsolescence dans les imprimantes, dans lesquelles les cartouches qui ne sont pas ou plus produites par le fabricant ne peuvent être remplacées efficacement.

Obsolescence. Qui est le vrai coupable ?

Damien Ravié tente de situer les responsabilités : « Depuis 2011 écrit-il, et la sortie du documentaire Prêt à jeter, l'obsolescence programmée sur Arte, on a vu se former un front de protestation contre ces pratiques non seulement coûteuses pour nos porte-monnaies. Tout le monde sait que les téléphones fixes duraient beaucoup plus longtemps que les téléphones mobiles (...) Damien Ravie fait le procès du fabricant en premier lieu et du consommateur bien sûr ! « Le consommateur (surtout occidental) est un enfant gâté. Qui veut tout, tout de suite, et moins cher. Il veut tout, question de confort trois télés, deux tablettes, deux ordinateurs, deux voitures, et tant pis s'il ne les utilise pas, il a juste besoin de posséder... il veut tout de suite : Il veut moins cher (...) Enfin, on n'arrête pas de lui répéter qu'il faut consommer, alors il obéit. A qui ? Qui commande sournoisement les comportements des citoyens pour les transformer en vulgaires consommateurs ? Vous avez deviné, c'est « la publicité », servie en abondance par « les médias » qui en vivent : on nous promet une vie plus belle, une santé de fer, un couple heureux, des enfants sages, des amis vraiment sympas, une vie tellement plus remplie. Difficile de résister. (...) Et si la responsabilité était partagée ? »

L'obsolescence programmée des produits désormais sanctionnée en France

Il va être désormais possible en France écrit Laetitia Van Eeckhout, de saisir la justice sur certaines pratiques industrielles visant à réduire la durée de vie ou d'utilisation d'un produit afin d'en augmenter le taux de remplacement. Dans le cadre du projet de loi sur la transition énergétique, adopté par l'Assemblée nationale mardi 14 octobre, les députés ont décidé que l'obsolescence programmée pourra être punie comme une tromperie. « Une fois cette définition introduite dans le code de la consommation, explique Nadia Boeglin de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), cette pratique, devenant un délit, pourra désormais être sanctionnée au même titre que les autres types de tromperies. » Elle pourra alors entraîner jusqu'à deux ans de prison et 300.000 euros d'amende. (...) La loi oblige désormais le fabricant ou l'importateur de produits à informer le vendeur de la période pendant laquelle, ou de la date jusqu'à laquelle les pièces détachées indispensables à l'utilisation des produits sont disponibles sur le marché. Et elle a porté de un à deux ans le délai de garantie légale.

Il reste que nous ne sommes qu’au début , l’application n’a pas eu lieu soit par inapplicabilité soit par retour à une position vertueuse des fabricants ...

Réparation citoyenne : la parade à l'obsolescence programmée

Comment lutter contre l'obsolescence programmée ? Deux pistes écrit Damien Ravié ont, peut-être, la capacité de changer les choses à une échelle suffisante : ce sont les solutions qui privilégient l'usage des biens plutôt que leur possession. D'un côté on a l'économie de fonctionnalité, où une entreprise ou une collectivité propose des services (le transport, par ex.) au lieu d'un bien (une automobile). Le consommateur devient usager : il ne s'attache pas à l'objet (qui est interchangeable). En second lieu, la consommation collaborative constitue un secteur prometteur et en pleine expansion, comme en témoigne le succès d'Uber (services de taxi / covoiturage). D'autres start-up visent à partager/louer toutes sortes de biens : outillage, appareils à fondue, machine à laver, et même son chez soi. Dans ce modèle, on divise les consommateurs en deux espèces : les propriétaires qui mutualisent leur bien et en retirent des bénéfices, et les utilisateurs qui ne possèdent pas de bien, mais qui s'en fichent du moment qu'ils peuvent en profiter. Un état d'esprit qui pourrait bien s'imposer en douceur, chez les jeunes générations. Le bien cesse d'être un objet de fierté qu'on affiche, ou qu'on garde jalousement à l'abri ; il redevient... un simple objet, dont on cherchera à maximiser l'utilité.

Une start-up de covoiturage mondiale serait en capacité de créer un label « consommation collaborative » pour certains véhicules adaptés, mais aussi pour les machines à laver « à partager ». Des produits qui seraient plus durables donc meilleurs pour l'environnement et moins coûteux pour le propriétaire. De nombreuses alternatives émergent pour répondre et réagir à l'obsolescence programmée. Des plate-formes d'échanges entre utilisateurs s'organisent autour de la réparation à l'instar du site américain iFixit. En parallèle, de nouveaux modèles économiques fondés sur l'écoconception se développent et les labels environnementaux commencent à prendre en compte la durée de vie du produit pour informer le consommateur. Lorène Lavocat propose de faire appel à l'expertise citoyenne ! Damien Ravié a créé Commentreparer.com, un site web participatif pour apprendre à restaurer, dépanner, ou raccommoder nos objets. Lancé en 2011, le site Commentreparer.com marche comme un forum. Chaque mois, près de 300.000 personnes visitent le site. « Les entreprises ne sont pas seules responsables de l'obsolescence rapide des produits. » Il souligne que les consommateurs acceptent... et même encouragent « la stratégie commerciale de course aux prix les plus bas ». Autrement dit, en plébiscitant des objets moins chers, en guettant les nouveautés, nous favorisons l'essor de produits peu durables.

La civilisation du toujours plus : est-il trop tard pour sauver la planète ?

Le bonheur est désormais assimilé à consommation. Jamais au cours de l'histoire il n'a été produit autant de richesses, mais 80% des ressources de la planète sont consommées par seulement 20% de la population. Les spécialistes du marketing s'efforcent de nous vendre de plus en plus d'objets inutiles, pour faire croire aux consommateurs que l'accumulation matérielle est une fin en soi. Pourtant, il existe une possibilité de s'en sortir en tant qu'humain en allant vers le développement durable, en partageant, en allant vers la sobriété énergétique et la frugalité, en respectant les rythmes de la nature. Misons sur un avenir apaisé, misons sur le développement durable. Il ne faudrait plus « maximiser » la croissance, mais le bien-être et le bonheur. Avec raison en 1997 et dans un autre cadre plus large qui est celui de la dictature du marché, Pierre Bourdieu, avec sa lucidité coutumière, se posait la question « des coûts sociaux de la violence économique et avait tenté de jeter les bases d'une économie du bonheur. »

Posséder ou partager : la seconde vie des choses

Faut-il continuer à amasser de l'éphémère coûteux et générateur de déchets ? Martin Denoun et Geoffroy Valadon en parlent : « Dans le nouveau monde qui se dessine caractérisé par une pénurie inexorable d'énergie, des changements climatiques de plus en plus récurrents et catastrophiques, faut-il continuer au nom de la boulimie du consommer éphémère, voire inutile ? La solution ne passe-t-elle pas par le partage et surtout l'impérieuse nécessité de donner du temps aux choses. Et si l'usage ne correspondait pas nécessairement à la propriété ? (...) Nous avons dans nos foyers de nombreux biens que nous n'utilisons pas : la perceuse qui dort dans un placard et ne servira en moyenne que treize minutes dans sa vie, les DVD visionnés une ou deux fois qui s'entassent, l'appareil photo qui attrape la poussière plus que la lumière, mais aussi la voiture que nous utilisons en solitaire moins d'une heure par jour ou l'appartement vide tout l'été. La liste est longue. Et elle représente une somme impressionnante d'argent comme de déchets futurs. » Telle est, en substance, l'approche des théoriciens de la consommation collaborative. Car, assène avec un grand sourire Rachel Botsman, l'une de leur chef de file : « Vous avez besoin du trou, pas de la perceuse ; d'une projection, pas d'un DVD ; de déplacement, pas d'une voiture ! ».

Comment mieux utiliser et partager ce qui existe plutôt que posséder davantage. Dans le même ordre du partage : « Est-il indispensable de posséder une voiture que l'on utilise 2 à 5% du temps plutôt que de louer son usage où et quand on en a besoin ? Est-il judicieux de se déplacer « en solo » quand on peut covoiturer ? L'Ademe (Agence française pour les économies d'énergie) donne des pistes de « sobriété ». Nous lisons : « Comment le consommateur peut-il réduire significativement la quantité de déchets qu'il produit et participer ainsi à la mise en place d'une économie circulaire ? Les Français semblent en 2010 98% à avoir déjà donné une seconde vie à un objet quelconque. Ainsi, le ré-emploi n'est plus exclusivement associé à des situations de grande pauvreté et se pare d'une image positive, celle du consommateur « malin ». En 2012, près de la totalité des Français (98%) déclarent avoir déjà pratiqué le ré-emploi et l'on estime à 1 250 millions d'euros par an le chiffre d'affaires lié au ré-emploi et à la réutilisation. L'impact sur l'environnement s'en fait d'ailleurs sentir : on estime qu'en 2011, 825.000 tonnes de déchets ont été évitées grâce au ré-emploi et à la réutilisation*, participant ainsi au développement de l'économie circulaire.


Conclusion

Jamais au cours de l'histoire il n'a été produit autant de richesses, mais 80% des ressources de la planète sont consommées par seulement 20% de la population. Les spécialistes du marketing s'efforcent de nous vendre de plus en plus d'objets inutiles, pour faire croire aux consommateurs que l'accumulation matérielle est une fin en soi. Une société qui consomme toujours plus ne peut respecter l'environnement et épuise tôt ou tard les ressources essentielles à la vie. Il ne s'agit pas de se priver ou de vivre dans la frustration. Vivre simplement, c'est de ne pas succomber aux tentations inutiles et de résister au diktat des marques. C'est vivre mieux avec moins, c'est être responsable. (...) Nous possédons de plus en plus de biens matériels, sommes-nous de plus en plus heureux ?

L'alternative est dans la sobriété, ne pas s'éblouir de la nouveauté, ne pas faire dans le mimétisme de l'Occident ; rouler en 4X4, un portable vissé à l'oreille, ce n'est pas cela le développement. L'éco-citoyenneté est un combat qui commence à l'école et se poursuit par la suite dans la vie de tous les jours de chacun d'entre nous.


* : Tel que la revente du matériel ancien via les petites annonces, en brocante, chez Cash et les dons. En ce qui concerne les ordinateurs trop vieux tel que les Pentium 4, le fait de passer sous Linux lui donnera une seconde jeunesse. Si vous avez des vieux disques durs, surtout à interface IDE qui est obsolète mais réutilisable, vous pouvez les utiliser dans des boîtiers externes USB pour vous faire des disques de sauvegarde.

Source : Agoravox