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12 janvier 2020

Mission Curiosity : le grand défi sur Mars

« Sommes-nous seuls dans l'Univers ? » Pour beaucoup de scientifiques, c'est la grande question. Au Jet Propulsion Laboratory (JPL), l'entreprise chargée de la construction et de la supervision des vols non habités de la Nasa, elle hante 5 000 personnes. Au fi l des ans, le JPL a envoyé des missions inhabitées vers toutes les planètes. Explorer, Mariner, Pioneer, Magellan, Galileo : des noms qui nous sont familiers. C'est au pied des montagnes San Gabriel, au nord de Los Angeles, que ces projets fabuleux ont pris naissance. Mars est aujourd'hui une destination incontournable. Cette planète fut probablement, dans sa « jeunesse », une soeur jumelle de la Terre. Avant de devenir un désert glacial (les températures avoisinent - 50 °C), des rivières ont coulé sur Mars, y laissant leur empreinte. En 2008, une sonde a confirmé l'existence d'assez de glace pour recouvrir la planète de 10 mètres d'eau en cas de réchauffement. Des chercheurs ont identifié ce qui pourrait bien être des traces humides à sa surface. De l'eau liquide et de l'énergie solaire, deux des conditions nécessaires à la vie. Il ne manque plus que le troisième élément : les particules organiques.

Une des particularités des programmes spatiaux est d'être des entreprises de longue haleine. Dix années de recherche et d'expérimentation rigoureuses ont été nécessaires pour mettre au point le robot mobile Curiosity. L'objectif est de le déposer en douceur sur une planète située à 250 millions de kilomètres de la Terre, afin qu'il perce ses secrets et détermine notamment si elle a connu des formes de vie. Ce rover est un monstre de technologie. Il dispose d'un arsenal à faire pâlir d'envie tous les géologues. Une foreuse, un rayon laser chargé de pulvériser de minuscules portions de sol, un laboratoire embarqué permettant l'analyse des échantillons de roche. L'engin est bardé de caméras de navigation, son bras articulé est un chef-d'oeuvre d'ingénierie, plusieurs antennes de forte puissance lui permettent de communiquer directement avec la Terre, ses roues et ses suspensions sont d'une résistance exceptionnelle, et il dispose de deux ans d'autonomie grâce à ses batteries au plutonium. De la taille d'une petite voiture, il se déplace en moyenne à 30 kilomètres/heure, peut gravir des pentes de 45 ° et pratiquera des milliers d'analyses. Mais il est lourd (900 kilos), bien plus que tous les véhicules envoyés jusque-là sur Mars, et s'il s'écrase au sol, la Nasa pourra faire son deuil de 2,5 milliards de dollars.

La tension est donc à son comble le 6 août 2012, lorsque, après huit mois et dix jours de trajet dans l'espace, le vaisseau parti de Cap Canaveral le 26 novembre 2011 pénètre dans l'atmosphère raréfiée de Mars à 21 000 kilomètres/ heure. Quand sa vitesse tombera à 1 600 kilomètres/heure, un énorme parachute longuement testé en soufflerie doit se déployer pour le ralentir encore plus. La procédure d'atterrissage proprement dite se déclenchera alors. Des rétrofusées s'actionneront jusqu'à immobiliser un étage du vaisseau à une vingtaine de mètres du sol, et le rover sera déposé au bout de câbles de Nylon, comme par une grue. La manoeuvre dure sept minutes. Elle est complexe. Le succès de l'opération repose sur une synchronisation parfaite. Diverses équipes ont testé pendant des années chaque élément. Si tout se passe bien, le véhicule se posera à la vitesse de près d'un mètre par seconde et ses amortisseurs absorberont le choc. Sinon...

Les images sont sobres, le commentaire dédaigne l'emphase et le lyrisme. Il y a cette poésie de l'aventure spatiale, qui semble s'adresser directement à l'âme. Et lorsque l'émotion si longtemps contenue déferle sur la salle de contrôle, elle nous emporte. Que tout ait fonctionné comme prévu, sur cette planète rouge, est aussi merveilleux qu'un conte.