FOOD, INC. dénonce et analyse les rouages d'une industrie qui influence chaque jour notre environnement et notre santé. Le film nous montre pourquoi il est impératif de changer notre alimentation et surtout de se soustraire aux dictats des grands lobbys agro-alimentaires.
À la lumière des récents cas de salmonellose aux États-Unis, il est intéressant de se pencher sur Food, Inc., le récent documentaire à charge sur l'industrie alimentaire. Malgré l'absence de conclusions politiques marquantes, le film constitue une mise en accusation de l'incapacité du système capitaliste à fournir une alimentation saine et équilibrée à la grande majorité de la population.
Quoi que vous pensiez de la grande industrie alimentaire, Food, Inc. vous montrera, d'une manière inquiétante, que la situation réelle est encore pire.
Produit et réalisé par le réalisateur de documentaires télévisés Kenner (notamment les séries de la télévision publique américaine The American experience et Two days in october), il tire partie de la contribution du coproducteur Eric Schlosser (Fast Food Nation) et Michaël Pollan (Omnivore's Dilemma, Food Rules, An Eater's Manual et In defense of Food : An Eater's Manifesto), tous deux sont d'excellents journalistes d'enquête travaillant sur l'industrie alimentaire.
L'une des idées maîtresses de Food, Inc. est que la réalité de la production alimentaire aux États-Unis ne correspond pas à l'imagerie pastorale souvent montrée sur les emballages, elle est plutôt constituée de grandes compagnies gérant d'énormes usines dans des conditions brutales.
Food, Inc. fait remonter les origines de la production alimentaire moderne - peut-être d'une manière un peu simpliste - à l'industrie de la restauration rapide, en particulier McDonald's. Pour rendre leur entreprise plus profitable, les frères MacDonald ont réduit leur menu et l'ont limité à quelques éléments essentiels qui pouvaient être produits en grandes quantités. Les travailleurs ont été entraînés à ne faire qu'une seule chose, pour qu'ils puissent être payés moins et être facilement remplacés. Dès lors, le succès de MacDonald's en a fait le plus gros acheteur de bouf au monde, et leur exigence d'uniformité a changé toute l'industrie du bouf.
Eric Schlosser présente ainsi le film : « la manière dont nous mangeons a plus changé au cours des 50 dernières années qu'au cours des 10.000 précédentes. Maintenant notre nourriture vient d'énormes lignes de production où les animaux et les travailleurs sont maltraités, et la nourriture est devenue bien plus dangereuse pour des raisons qui nous sont délibérément cachées. Ce n'est pas seulement ce que nous mangeons. C'est ce qu'on nous laisse dire. Ce qu'on a le droit de savoir.»
Schlosser faire ensuite remarquer que tandis que dans les années 1907 les cinq plus grands producteurs de viande de bouf contrôlaient 25% du marché, aujourd'hui ils en dominent plus de 80%. Il note que la production de poulet a changé de façon significative : « les volailles sont maintenant élevées et abattues en moitié moins de temps qu'elles ne l'étaient 50 ans plus tôt, mais maintenant ils sont deux fois plus gros. ils n'ont pas fait que changer le poulet, ils ont changé les fermiers. Aujourd'hui les éleveurs de poulet n'ont plus le contrôle sur leurs oiseaux. Une compagnie comme Tyson possède les oiseaux du jour où ils sont pondus jusqu'au jour où ils sont abattus.»
« Le maïs a conquis le monde »
Michael Pollan fait remarquer que ce qui semble être une grande diversité de choix dans chaque supermarché n'est en réalité qu'une « illusion de diversité ». Il n'y a que quelques compagnies et quelques plantes qui soient représentées. « Une part importante de notre alimentation industrielle se révèle n'être que des réarrangements habiles à base de maïs », ajoute-t-il.
Un chercheur en nutrition du Centre pour l'utilisation des plantes de l'Université d'Iowa explique qu'actuellement nous mettons au point notre nourriture. Nous savons vers où nous tourner pour certains aspects, comme la sensation en bouche et l'odeur. bien sûr la plus grande avancée de ces dernières années a été le sirop de maïs à haute teneur en fructose. Je parierais que si vous allez regarder sur un rayonnage de supermarché. 90% des produits contiendraient soit un ingrédient à base de maïs ou de soja et la plupart du temps, ils contiendraient les deux.
Le gouvernement américain subventionne lourdement la production de maïs depuis des dizaines d'années, Troy Rousch, vice-président de l'Association des cultivateurs de maïs américains, explique, « Aux États-Unis, 30 pour cent de nos champs sont ensemencés avec du maïs. C'est dû à la politique gouvernementale qui nous permet en fait de produire du maïs qui sera vendu en dessous du coût de production. En réalité on nous paye pour surproduire. C'est à cause des intérêts de ces grandes multinationales, les Cargills, les ADM, les Tysons et Smithfields ont intérêt à acheter du maïs en dessous du coût de production.»
Les troupeaux ont traditionnellement été élevés pour se nourrir d'herbe, mais les plus grands producteurs se sont mis au maïs. C'est moins cher, il faut moins de terrains, et les vaches grossissent plus et plus vite. Cela a entraîné le remplacement à grande échelle des troupeaux broutant l'herbe par des élevages intensifs (CAFO - Concentrated animal farming opérations) où des milliers de têtes de bétail sont concentrées pour être engraissées et prêtes à l'abattage.
Des recherches indiquent que donner du maïs au bétail entraîne un taux élevé de bactéries E. coli résistantes à l'acidité dans le système digestif du bétail. Une forme très toxique appelée E. coli O157:H7 s'est développée dans des conditions d'élevage intensif où le bétail reste jour après jour et nuit après nuit dans ses propres déjections jusqu'aux genoux.
Tandis que des milliers d'abattoirs existaient dans les années 1970, il n'y en a plus que 13 qui se chargent de la majorité de la viande bovine aux États-Unis. Dans des conditions où chacun abat 400 animaux couverts de déjections par heure, il est pratiquement impossible de garder la viande propre. De plus, pour la viande de base, un seul steak haché peut contenir de la viande provenant de milliers d'animaux, ce qui augmente exponentiellement les risques qu'un pathogène entre dans le système.
Food, Inc., raconte la triste histoire de Barbara Kowalcyk, qui a perdu son fils Kevin, à cause d'une soudaine infection d'E. coli causant une hémorragie, celles-ci se trouvaient dans un hamburger contaminé acheté dans un fast-food. Il est mort en 12 jours. Ce n'est que 16 jours plus tard qu'un rappel des produits à base de bouf a été décidé, mais l'industrie a laissé les Kowalcyks dans l'ignorance sur le fait que la mort de Kevin était liée à ce rappel, jusqu'à ce qu'une action en justice aboutisse plusieurs années après.
Un système biaisé vers une nourriture mal équilibrée
Ce documentaire suit les habitudes alimentaires d'une famille à faible revenu. Un seul dollar ne peut pas acheter un paquet de brocoli, mais il peut acheter un cheeseburger dans un fast-food ou n'importe quel casse-croûte de supermarché, y compris des chips, des petits gâteaux et des boissons gazeuses. Pollan indique que le système alimentaire est biaisé vers ces mauvaises calories parce qu'elles sont faites à partir de cultures subventionnées par le gouvernement, notamment le maïs.
Résultat, l'indicateur le plus significatif de l'obésité est le niveau de revenu, alors que l'industrie veut faire croire que c'est une question de responsabilité personnelle. La vraie question est que la politique agricole du gouvernement (Pollan préfère parler de "politique alimentaire") fait des nourritures les moins saines, les plus abordables.
Pollan appelle la mise au point de nouvelles nourritures « appuyer sur les boutons de notre évolution ». Nos corps sont « conditionnés » pour rechercher trois choses : le sel, la graisse et le sucre. Ces choses sont rares dans la nature. C'est pourquoi elles ont si bon goût pour nous. Mais aujourd'hui, les niveaux élevés de sirop de maïs à haute teneur en fructose ainsi que les féculents raffinés dans nos régimes alimentaires entraînent des « piques d'insuline et graduellement une usure du système par lequel notre corps métabolise le sucre.»
Les diabètes de type 2 étaient par le passé une maladie qui n'affectait que des adultes. Ce n'est plus le cas. Un enfant sur trois né après 2000 contractera un diabète précoce. Ce taux est d'un pour deux parmi les minorités ethniques.
Le film se concentre sur l'énorme usine de transformation de porcs de la compagnie Smithfield à Tar Heel en Caroline du Nord, le plus grand abattoir au monde. Toutes les images sont prises par des caméras cachées. La voix d'un ouvrier nous informe qu'ils ont le même point de vue sur les travailleurs que sur les porcs. Ils n'ont pas à s'inquiéter du confort des porcs parce qu'ils vont mourir et les ouvriers. Eh bien, on vous traite comme une machine humaine.
Une histoire sélective
Schlosser cite le roman novateur d'Upton Sinclair The Jungle paru en 1907 comme sonnant le tocsin de la réforme de l'industrie de l'abattage, entraînant les actions anti-trust de Théodore Roosevelt et la mise en place des réformes. Plus tard, avec le syndicalisme, les travailleurs des abattoirs ont obtenu des conditions de travail comparables à celles des travailleurs de l'automobile.
« Et que s'est-il passé ensuite ? » demande Schlosser. Il affirme que les compagnies sont devenues plus grosses et ont adopté les méthodes de l'industrie de la restauration rapide. C'est un résumé hâtif qui laisse de côté les luttes et l'opposition active des travailleurs. Les années 1930 et 1940 ont été marquées par des luttes massives pour syndiquer l'industrie des abattoirs y compris une grève victorieuse en 1933 à l'usine Hormel à Austin dans le Minnesota. La fin de la Seconde Guerre mondiale a vu une grève sectorielle dans tout le pays des travailleurs du conditionnement de la viande. Les grèves ont continué dans l'industrie en 1948 malgré la loi Taft-Hartley qui les rendait illégales.
Les années 1980 ont débuté avec le licenciement des contrôleurs aériens du PATCO par le gouvernement Reagan. Cela a entraîné une vague d'attaques contre les conditions des travailleurs. Dans l'industrie de la viande, les travailleurs ont été vaincus à Hormel, Wilson Food, John Morrell, IBP et ailleurs par une stratégie brutale de fermetures d'usines et de suppression des syndicats. Les politiques de collaboration avec la direction de l'AFL-CIO ont été un élément crucial dans la défaite des travailleurs.
Monsanto
La section de Food, Inc. consacrée à Monsanto fait froid dans le dos. Cette énorme entreprise est actuellement propriétaire de presque toutes les récoltes de soja grâce à un processus complexe qui a débuté par la reconnaissance légale de brevets sur du matériel génétique par la Cour suprême en 1980. Monsanto produit un herbicide à large spectre appelé Roundup. Usant des cautions judiciaires offertes par ce précédent récent, ils ont génétiquement conçu un soja « adapté au Roundup », qui n'est pas affecté par cette toxine.
La graine est conçue pour être une « graine terminante », c'est-à-dire qu'elle ne peut pas servir à replanter l'année suivante, une pratique aussi vieille que l'agriculture. Ainsi, Monsanto vend cette graine directement à des fermiers avec un contrat les obligeant à revenir chaque année pour récupérer de nouvelles graines.
Monsanto utilise son influence politique et son arsenal juridique pour forcer tous les cultivateurs de soja, y compris ceux qui n'ont pas passé de contrat avec Monsanto, à cesser la pratique de garder leurs meilleures graines pour les replanter. L'entreprise a des légions d'enquêteurs et de juristes qui sont autorisés à inspecter les graines de n'importe quel cultivateur qu'ils suspectent de « violation de brevet ». Le film interviewe des cultivateurs qui ont été poursuivis en justice par Monsanto. Pratiquement tous ont été contraints à accepter un arrangement onéreux en raison de la puissance juridique de l'entreprise. Depuis que Monsanto a commencé à vendre du soja modifié en 1996, ils ont capté plus de 90% du marché.
Des entrées à Washington
La réglementation de l'industrie alimentaire a été considérablement affaiblie sous les gouvernements démocrates comme républicains. La politique du gouvernement est déterminée directement par les grandes entreprises. Dans le cas de Monsanto, en particulier, il y a un chemin direct qui va de la compagnie à des gens haut placés au Capitole : dans le gouvernement Bush, par exemple, Donald Rumsfeld et John Ashcroft, et dans le gouvernement Clinton précédent, Mickey Kantor et Robert Shapiro, tous ont soit été employés par Monsanto, soit ont bénéficié d'importantes donations de sa part.
Il y a également un réseau de responsables de l'Agence de protection de l'environnement et de la Food and Drugs Administration (FDA - chargée de veiller sur l'alimentation et de délivrer les autorisations de mise sur le marché des médicaments) qui y contribuent. Une personnalité comme Michael Taylor, par exemple, qui a travaillé alternativement pour la FDA et Monsanto. Taylor a été récemment nommé vice-commissaire de la FDA pour l'alimentation. En tant que juriste chez Monsanto, il a conseillé l'entreprise durant le débat sur l'obligation de mentionner la présence d'organisme génétiquement modifié dans la nourriture ; puis en tant que vice-commissaire à la FDA, il a supervisé la décision de ne pas faire figurer cette mention.
Un autre cas remarquable de ce genre est le juge à la Cour suprême Clarence Thomas. Avocat pour Monsanto de 1976 à 1979, il a par la suite en tant que juge rédigé la décision majoritaire dans un procès qui a empêché des paysans de conserver leurs propres graines.
Des conclusions politiques timides
Mais Food, Inc. comme tant de documentaires contemporains sur des questions sociales, mine ses propres révélations. Il est victime des faibles opinions politiques libérales de ses créateurs.
Le film montre une foire des produits naturels en pleine effervescence à Anaheim, en Californie, où les produits bio sont décrits comme « l'un des segments ayant la croissance la plus forte de l'industrie alimentair », avec plus de 20 pour cent de croissance annuelle. On entend les commentaires de Gary Hirschfield, de Stonyfield Farms, un producteur de yaourts bio : « Nous n'allons pas nous débarrasser du capitalisme. En tout cas, nous n'allons pas nous en débarrasser dans le laps de temps qu'il nous reste pour arrêter le réchauffement climatique et inverser l'intoxication de notre air, de nos aliments et de notre eau.»
Chaque fois que nous mangeons, nous votons pour notre système d'alimentation, nous dit ce film. Comme si la population, entièrement à la merci des monopoles alimentaires et de leurs représentants en politique, avait le choix !
Le droit à une nourriture saine est une question sociale pour laquelle il faut lutter, comme l'éducation, le logement et la sécurité sociale. Et tous les droits que nous avons gagnés par le passé, il faut s'en souvenir, l'ont été dans d'énormes batailles de classes.
Comme Hirschfeld le dit lui-même : « En tant qu'environnementaliste, il m'est apparu assez clairement que c'est le monde des affaires qui est la source de toute la pollution. En fait de toutes les choses qui détruisent ce monde.»
Le monde des affaires capitaliste est effectivement la cause de l'horrible état de l'industrie alimentaire. Mais il ajoute, « Je peux débattre avec mes amis radicaux toute la journée, mais personne ne peut remettre en cause le fait que la vente d'un million de dollars supplémentaires [de yaourts sans pesticides] à Walmart [grande chaîne de supermarchés] aide à sauver le monde.» C'est absurde !
Les réalisateurs trébuchent devant l'énormité du problème et leur propre point de vue. Les décisions individuelles ne changeront rien, tant que le système capitaliste de profit restera intact. La société doit être réorganisée, y compris la production de nourriture et sa distribution, sur toute la ligne. Sauver le monde est la tâche de la classe ouvrière, par la réorganisation socialiste de la société.
VIDEO 1 - VIDEO 2
Food, Inc. décortique les rouages d’une industrie qui altère chaque jour notre environnement et notre santé. Des immenses champs de maïs aux rayons colorés des supermarchés, en passant par des abattoirs insalubres, un journaliste mène l’enquête pour savoir comment est fabriqué ce que nous mettons dans nos assiettes. Derrière les étiquettes pastorales de "produits fermiers", il découvre avec beaucoup de difficulté le tableau bien peu bucolique que les lobbys agro-alimentaires tentent de cacher : conditions d’élevage et d’abattage du bétail désastreuses, collusion entre les industriels et les institutions de régulation, absence de scrupules environnementaux, scandales sanitaires... Éleveurs désespérés, experts indépendants, entrepreneurs intègres et défenseurs du droit des consommateurs esquissent,chacun à leur manière,le portrait d’une industrie qui sacrifie la qualité des produits et la santé de ses clients sur l’autel du rendement
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