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10 octobre 2021

La migration sera bientôt le plus grand défi climatique de notre temps

FLUX MIGRATOIRES - Le changement climatique se rapproche du point de non-retour. Comme l'indique clairement le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), même si les émissions de carbone cessaient demain, celles accumulées dans l'atmosphère suffiraient à bouleverser de nombreux écosystèmes de la planète pour les décennies à venir.

C'est pourquoi le prochain sommet COP26, s'il est nécessaire pour promouvoir l'atténuation du changement climatique, est tout à fait insuffisant pour aborder un programme tout aussi important auquel l'humanité est confrontée : l'adaptation.

Alors que la chaleur, la montée des eaux et la sécheresse rendent des pans entiers de la planète inhabitables, des millions, voire des milliards de personnes pourraient être amenées à se réinstaller sur des terrains situés aux latitudes les plus propices à leur survie. Le défi le plus difficile qui nous attend n'est pas de réduire les émissions, mais de relocaliser les gens. Ni le GIEC ni aucune autre agence ne sont actuellement habilités à aborder cette question fondamentale de géographie humaine.

Au cours des décennies d'après-guerre, des schémas de migration relativement prévisibles se sont produits tant à l'intérieur des régions qu'entre elles. Le plus grand nombre de migrants se déplaçant à l'intérieur d'une région, par exemple, est celui des 23 millions de personnes qui ont traversé les frontières des anciennes républiques soviétiques.

Dans les décennies à venir, cependant, le monde devra faire face à plusieurs déséquilibres démographiques imminents. Les pénuries de main-d'œuvre en Amérique du Nord, en Europe et en Asie du Nord s'accentuent, et ces régions devront ouvrir les robinets de l'immigration en conséquence.

Des dizaines de millions d'Asiatiques supplémentaires pourraient être contraints de s'installer définitivement en Eurasie, à mesure que certaines régions d'Asie deviennent inhabitables et que les moyens de subsistance se tarissent. Un grand nombre d'Asiatiques du Sud et de Chinois dériveront vers le nord, dans les vastes steppes du sud de la Russie et du Kazakhstan, régions riches en terres fertiles et presque totalement dépourvues de population.

Certaines de ces évolutions auraient été probables même sans le changement climatique, mais elles sont presque certaines grâce à lui. Au cours de ce siècle, nous devrions atteindre le "pic d'humanité", c'est-à-dire la population maximale de notre espèce, soit près de 11 milliards d'individus. À partir de ce moment-là, la survie devient un jeu de répartition. Comment choisirons-nous de nous organiser sur les 150 millions de kilomètres carrés de territoire de la planète ? La carte actuelle est-elle adaptée, étant donné le nombre de personnes qui doivent se déplacer - et se déplacer encore - à travers les différentes frontières à différents moments ?

En matière de migration, les gouvernements nationaux sont souverains. Mais pour relever le défi de la géographie humaine, il ne suffit pas de bricoler des accords bilatéraux sur la migration.

Nous devons combler le fossé entre le discours politique hypersensible et à court terme sur la migration et la stratégie collective nécessaire pour loger l'humanité. Parler de géographie humaine plutôt que de migration peut s'avérer un outil rhétorique puissant, car il souligne que nous sommes tous dans le même bateau et déplace doucement l'accent de la souveraineté nationale étroite vers une gestion planétaire expansive.

Dans un monde où le climat change, nous avons besoin d'une nouvelle répartition des tâches entre les continents. L'Amérique du Sud et l'Afrique deviendront de plus en plus des régions d'émigration. L'Amérique du Nord et l'Eurasie doivent absorber davantage de personnes, tout en les faisant recirculer du sud des États-Unis et de l'Asie du Sud, soumis à un stress hydrique, vers des régions intérieures plus fertiles. Il y aura des pionniers du climat qui terraformeront de nouveaux terrains difficiles dans des endroits comme le Canada et la Russie pour des millions de futurs migrants.

Notre cartographie politique va également évoluer. Les îles du Pacifique Sud en train de sombrer devront être abandonnées au profit de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, qui deviendront en fait des protectorats au sein d'une Océanie collective plutôt que de véritables souverains. Les pays de Visegrad, aujourd'hui en difficulté fiscale et en voie de dépeuplement, pourraient fusionner au sein d'une plus grande fédération afin de mieux gérer leurs forêts, leur agriculture et leurs rivières, qui sont vitales, et de se préparer au renouvellement démographique par les Arabes et les Asiatiques.

À l'inverse des tendances centrifuges actuelles, les îles britanniques ne se contenteraient pas d'approfondir le partage de leurs ressources, mais représenteraient des centres clés dans une version ressuscitée de la ligue hanséatique médiévale des ports commerciaux, reliant Churchill au Canada à Aberdeen en Écosse et Kirkenes en Norvège.

De nombreux chercheurs s'interrogent : qu'y a-t-il au-delà de la souveraineté ? Si nous sommes sages, la réponse sera la "géographie programmable", qui consiste à recoder les lieux en fonction de leur rôle changeant dans notre système mondial fluide. La géographie habitable est notre ressource terrestre la plus précieuse, et nous devons l'optimiser pour ceux qui viendront après nous. Adapter la souveraineté à une nouvelle réalité est ce que nous devons à l'avenir.

Article traduit sur Financial Times

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