Tic, tac, tic, tac... Le Covid-19 était un virus inconnu, il a déboulé de Chine on ne sait toujours pas pourquoi, ni comment. D'où pourrait bien venir le prochain microbe ? « Du permafrost sibérien » répond Jean-Michel Claverie, le biologiste français. En 2014 et en 2015, ce chercheur de l'Université d'Aix-Marseille, a démontré avec son épouse Chantal Abergel, que des virus même vieux de 30 000 années exhumés de Iakoutie au nord de la Russie, pouvaient conserver intact leur pouvoir infectieux. Provenant de la région de la Kolyma, ancienne terre de Goulag, où la terre reste gelée été comme hiver, ces virus avaient en fait tranquillement sommeillé à 20 mètres de profondeur dans le sol gelé, le permafrost.
Le réchauffement climatique est à l'origine de la fonte du permafrost qui recouvre 25% des terres émergées. Les sols gelés menacent, en fondant, de libérer des virus oubliés et des milliards de tonnes de gaz à effet de serre (GES) qu'ils emprisonnent depuis des millénaires, au risque notamment d'accélérer le réchauffement climatique.
« En datant les sous-couches où ils étaient, on en a déduit qu'ils ont cohabité avec l'homme de Neandertal » explique le cofondateur du laboratoire information génomique et structurale (IGM) dont les travaux ont bouleversé la connaissance des virus… Depuis cette découverte, la question du dégel du permafrost taraude le couple qui se démène pour alerter sur le risque que représente le réchauffement de ces zones subarctique : « Si on se met là-bas à creuser les couches profondes, sans aucune précaution, gare, il faut bien comprendre qu'on est en présence d'une bombe à retardement virale et bactérienne » précise Jean-Michel Claverie.
Pergélisol en français, permafrost en anglais, ces sols gelés toute l'année recouvrent 25% des terres émergées de l'hémisphère nord, notamment en Russie, au Canada et en Alaska. Ils peuvent être composés de micro-lentilles de glace ou de grosses masses de glace pure, sur une épaisseur de quelques mètres à plusieurs centaines de mètres. Ils renferment quelque 1.700 milliards de tonnes de carbone, soit environ le double du dioxyde de carbone (CO2) déjà présent dans l'atmosphère. Avec la hausse des températures, le permafrost se réchauffe et commence à fondre, libérant progressivement les gaz qu'elle neutralisait jusque-là. Et le phénomène devrait s'accélérer, selon les scientifiques.
La fonte du permafrost : des effets climatiques...
La fonte du permafrost inquiète le plus souvent pour ses effets climatiques. En effet, ces sols gelés renferment quelque 1.700 milliards de tonnes de gaz à effet de serre (GES), soit environ le double du dioxyde de carbone (CO2) déjà présent dans l'atmosphère. Avec le changement climatique en cours, le permafrost se réchauffe et commence à fondre, libérant progressivement les milliards de tonnes qu'il renferme, au risque notamment d'accélérer le réchauffement global.
La fonte du permafrost hypothèque déjà l'objectif, énoncé par l'accord de Paris, de contenir le réchauffement climatique à moins de +1,5°C par rapport à l'ère préindustrielle, selon une étude scientifique publiée en septembre 2018 dans Nature Geoscience. Dans cette étude, les auteurs décrivent un cercle vicieux : les gaz émis par le permafrost accélèrent le réchauffement, qui accélère la fonte du permafrost. D'ici à 2100, ce dernier pourrait, selon le scénario le moins négatif, diminuer de 30% et libérer jusqu'à 160 milliards de tonnes de GES, alertait en 2015 la chercheuse Susan Natali, du Woods Hole Research Center.
... et sanitaires
Outre ses effets climatiques, la fonte du permafrost, qui abrite des bactéries et virus parfois oubliés, représente aussi une menace sanitaire. Pendant l'été 2016, un enfant est mort en Sibérie de la maladie du charbon (anthrax), pourtant disparue depuis 75 ans dans cette région. Pour les scientifiques, l'origine remontait très probablement au dégel d'un cadavre de renne mort de l'anthrax il y a plusieurs dizaines d'années. Libérée, la bactérie mortelle, qui se conserve dans le permafrost pendant plus d'un siècle, a réinfecté des troupeaux. Et la menace ne se limite pas à l'anthrax.
Des chercheurs ont découvert ces dernières années plusieurs virus géants, dont l'un vieux de 30.000 ans baptisé Mollivirus sibericum, conservés dans le permafrost. Dans ces régions arctiques, que la fonte du permafrost a rendues plus accessibles pour l'industrie minière et pétrolière, les scientifiques préviennent que certains de ces virus pourraient se "réveiller" un jour si les Hommes remuent trop en profondeur les sous-sols. "Quelques particules virales encore infectieuses peuvent être suffisantes, en présence de l'hôte sensible, à la résurgence de virus potentiellement pathogènes dans les régions arctiques de plus en plus convoitées pour leurs ressources minières et pétrolières et dont l'accessibilité et l'exploitation industrielle sont facilitées par le changement climatique", expliquait en 2015 le CNRS dans un communiqué. "Si on n'y prend pas garde et qu'on industrialise ces endroits sans prendre de précautions, on court le risque de réveiller un jour des virus comme celui de la variole qu'on pensait éradiqués", alertait en 2015 auprès de l'AFP Jean-Michel Claverie, professeur à l'Université d'Aix-Marseille, directeur de l'Institut de microbiologie de la Méditerranée (CNRS) et à l'origine de la découverte du virus géant vieux de 30.000 ans dans le permafrost.
Les micro-organismes en mode pause
Pour l'instant, ces régions où le thermomètre reste en dessous de zéro hiver comme été, demeurent très peu accessibles à l'homme. Jean-Michel Claverie en revient : cet été, il s'est rendu à Tcherski, une vieille base scientifique au nord de la Iakoutie, en bordure de l'Océan arctique. « Entre les avions qui décollent avec huit heures de retard, la paperasse, les routes défoncées, c'était une vraie aventure » sourit le scientifique. La vitesse du réchauffement climatique en cours dans cette région arctique l'a scotché. « C'est absolument fou. Les cotes sont devenues des plages ». Et le phénomène a été particulièrement marqué en mer de Barents, Kara et Laptev, toutes situées précisément au nord de la Russie! Evidemment, le permafrost, subit le même choc thermique « Il n'y a pas meilleur réfrigérateur naturel pour la vie microbienne que le permafrost, dedans la vie microbienne y est parfaitement à l'abri de toute agression, celle de la lumière, de l'oxygène ».
Dans ce milieu douillet, que font les micro-organismes ? « Ils se mettent en mode pause. Mais dès qu'ils rencontrent à nouveau de l'eau liquide, c'est comme une graine, ils s'éveillent et redeviennent actifs ». C'est d'ailleurs ce qui se produit déjà : « chaque année, des couches du permafrost se dissolvent, des micro-organismes remontent des couches profondes et sont relarguées en surface, mais c'est un processus lent, si bien que l'oxygène qui est un excellent désinfectant, comme les rayons ultraviolets, ont en général le temps de les stériliser ».
Il y a danger à creuser le sous-sol sibérien
Mais qu'en sera-t-il demain, quand des entreprises, attirées par les tonnes d'or, de tungstène, de terres rares qui dorment encore dans le sous-sol sibérien vont venir s'implanter dans ces zones du grand nord encore quasiment vierge ? Vladimir Poutine ne s'en cache pas, il veut faire de la Russie une puissance économique « polaire ». Maintenant que la route maritime du Nord est libre de glaces huit à neuf mois dans l'année, les bateaux vont pouvoir acheminer tout le long des cotes d'Extrême-Orient de quoi installer des campements miniers de 100 000 à 200 000 hommes.
« S'ils se mettent à creuser en profondeur le sous-sol à coups de dynamite, danger ! » s'écrit le scientifique, inquiet. « On a fait l'ADN complet d'un échantillon de terre venant de là-bas, on y voit des profils génomiques qui évoquent ceux du virus de variole, du Nil, de la fièvre porcine, le risque est avéré » précise-t-il.
Certes si des maladies connues comme la variole ou l'anthrax venaient à repartir, on pourrait lutter, on a des vaccins, des antibiotiques, mais « contre des bactéries ou des virus totalement inconnus, conservés dans des couches beaucoup plus anciennes, que faire ? tempête-t-il. On sera totalement impuissant. Homo Sapiens ne les a jamais rencontrés ».
Source : Le Parisien et Science Avenir
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