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10 octobre 2019

FLASH - Le document-choc sur la France face à l'islamisme radical

HAUTEMENT EXPLOSIF - Un rapport au vitriol qui fait l'effet d'une bombe ! Sport, police, transports, prisons... Les rapporteurs de la mission d’information de l’Assemblée nationale établissent, sur l’infiltration de l’islam radical, un constat inquiétant et la sécurité intérieure pourrait être compromise. A quand la guerre civile en France ?

53 auditions, 60 heures d’enregistrements, 7 mois de travail parlementaire... Et au final, une véritable plongée dans « les services publics face à la radicalisation » réalisée par une mission d’information de l’Assemblée nationale. Ses deux corapporteurs, les députés LR Éric Diard et LREM Éric Poulliat, en appellent à une plus grande vigilance et à un meilleur criblage des professions à risque afin d’éviter tout dérapage.

C’est un rapport explosif que s’apprête à rendre la mission d’information sur les services publics face à la radicalisation. Limites de l’action publique, secteurs à risques, montée du communautarisme, aucun des sujets qui fâchent n’échappe à la loupe de la commission parlementaire dirigée par les députés Eric Diard (Les Républicains) et Eric Poulliat (LREM). Les conclusions seront rendues publiques le 26 juin, mais on sait déjà qu’elles devraient préconiser l’élargissement des enquêtes administratives pour les professions chargées de la jeunesse et des personnes vulnérables, afin de s’adapter à une menace en recomposition permanente.

Le Point a eu accès au contenu des auditions menées à huis clos. Ces témoignages de hauts fonctionnaires et d’acteurs de terrain dessinent un état des lieux détaillé de la radicalisation islamiste en France. Si les propos sont parfois alarmistes, une lueur d’espoir éclaire ce tableau : la plupart des services régaliens de l’Etat semblent parfaitement conscients des risques et des dynamiques à l’œuvre. Mais tous les secteurs ne semblent pas capables de prendre en charge la menace avec la même diligence. « Les remontées d’informations pénitentiaires deviennent efficaces, celles dans l’Education nationale s’améliorent. Mais la remontée de signalement depuis le milieu médical ou hospitalier est très compliquée », explique un haut fonctionnaire aux élus.

Il faut raison garder. Sans sombrer dans le pessimisme, des témoignages révèlent une certaine impréparation de la part de quelques services publics. Un enseignant et ex-militaire décrit par exemple l’université comme « un milieu très inertiel, conservateur, absolument pas préparé à affronter quelque problème de sécurité que ce soit ». Pour Olivier de Mazières, auditionné en tant que préfet de police des Bouches-du-Rhône et « père » du Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, « la radicalisation potentiellement violente est extrêmement diffuse sur l’ensemble du territoire, dans les secteurs public comme privé. Le travail est plus facile dans le secteur public, grâce à la hiérarchie et l’important réseau d’agents ».

MARDI 5 FÉVRIER 10 H – DGSI NICOLAS LERNER – DIRECTEUR GÉNÉRAL HUIS CLOS « Même si tout est fait pour que l’environnement cyber soit dépollué, il reste des applications et plateformes cryptées causant des enfermements idéologiques voire physiques importants via des contacts avec des personnes sur zones. » Confidentiel. Les documents que nous publions sont extraits des auditions conduites à huis clos par la mission d’information parlementaire sur les services publics face à la radicalisation, dirigée par les députés Eric Diard (LR) et Eric Poulliat (LREM).

Si les réseaux de détection sont désormais à peu près opérationnels, on découvre avec ahurissement les suites administratives et les tâtonnements juridiques donnés à ces signalements. L’arsenal législatif, renforcé ces dernières années, est-il adapté à la menace ? Pas toujours, pas encore. Ainsi, dans la fonction publique, les textes ne permettent pas, en l’état, de révoquer un agent pour « radicalisation ». Il faut raison garder. Statistiquement, les cas de fonctionnaires de police identifiés comme possiblement radicalisés sont rares (28 cas suivis par l’Inspection générale de la gendarmerie nationale ou l’Inspection générale de la police nationale). Pour licencier un agent radicalisé, il faut utiliser des « motifs connexes », comme la faute professionnelle. Un ancien secrétaire général pour l’administration de la préfecture de police de Paris a évoqué devant la mission quelques cas qu’il a eu à traiter. Parmi eux, celui d’un policier diffusant sur Internet des thèses complotistes et des propos insultants envers l’Etat et la France : « Il a été le plus facile à révoquer, la faute professionnelle a été retenue pour raison d’image [dégradée] de la police. » Autre exemple, un fonctionnaire non titulaire entretenait, par l’intermédiaire de son frère, des contacts avec une mouvance djihadiste en Syrie. « Il avait des demandes très suspectes, comme avoir accès à certains fichiers. Il a été révoqué pour un fait totalement connexe, une altercation avec un tiers en voiture. »

Révocations difficiles. Quand les preuves viennent à manquer, la révocation est hasardeuse. Michel Delpuech, encore préfet de police de Paris au moment de son audition, a relaté devant les parlementaires le cas d’un agent radicalisé dans les effectifs d’une police municipale de Seine-Saint-Denis. L’homme travaillait au contact des jeunes. Et présentait, selon les mots du préfet, « une menace sérieuse d’emprise idéologique ». Pour cette raison, le policier municipal a été révoqué… Jusqu’à ce qu’un référé devant le tribunal administratif demande à la préfecture de police de le réintégrer. Photographies de ses fréquentations, témoignages évoquant « le fait qu’il n’a rien à faire dans la police », les preuves n’ont pas été jugées assez solides.

Que dit la loi Savary ?

La loi Savary, adoptée le 9 mars 2016, prévoit que les entreprises de transport peuvent passer leurs employés ou candidats au « criblage », c’est-à-dire vérifier auprès des services de renseignement qu’ils ne présentent pas de profil « à risque ». Cette pratique réservée aux entreprises sensibles aux risques terroristes a été rejetée dans un premier temps par le Conseil d’Etat, car elle ne précisait pas ce qu’il devait advenir du salarié jugé dangereux. La mesure a finalement été promulguée dans un décret de mai 2017.

Faudrait-il imaginer un dispositif de huis clos pour que les juges puissent accéder aux dossiers des renseignements territoriaux ? D’après un préfet auditionné, cela impliquerait de toucher à des valeurs essentielles… « Certains comprennent cela, d’autres pas. Les juges prendront leurs responsabilités. Le jour où un bagagiste fera sauter un avion, on saura qui a essayé ou pas de l’en empêcher », a-t-il prévenu, désignant en filigrane les juges administratifs.

Etat d’urgence. Cette difficulté à se faire entendre des juges fait partie des griefs classiques des services de police. Un cadre du Service central du renseignement territorial a ainsi exposé aux parlementaires le dilemme des services qui ne peuvent produire toutes leurs preuves devant une cour, par crainte de mettre en danger leurs sources : « Au départ, quand les mesures de police administratives étaient rares, le juge administratif prenait pour argent comptant ce qu’on lui disait. Il n’y avait pas de problème. Avec l’état d’urgence, il y a eu une très forte augmentation du nombre de mesures de police administratives, ainsi que du nombre de recours. Ce qui a entraîné une plus grande rigueur du juge administratif. » Certains fonctionnaires regardent avec envie ce qui se fait de l’autre côté de la Manche. « Au Royaume-Uni, on peut arriver devant le magistrat en lui donnant la totalité des éléments dont on dispose, mais seule une partie sera transmise à la partie défenderesse », explique un spécialiste auditionné. Cette procédure, qui évite l’exposition des sources et permet au juge de trancher en disposant de tous les éléments, est contestée en France au nom des libertés fondamentales.

Cependant, lorsque des services de l’Etat considèrent les risques trop importants, ils rusent et composent avec les textes législatifs, tant pour les procédures de licenciement que pour les fermetures de lieux de culte radicaux. Ainsi, un spécialiste du renseignement raconte comment certains services font appel aux maires pour fermer des mosquées radicales : « On a une boîte à outils qui doit être utilisée de façon pragmatique et opportuniste : si on peut passer par une commission de sécurité ou un non-renouvellement du bail par le maire, on le fait. »

Bons plans

Deux plans publics sont chargés, sous la responsabilité du Premier ministre, de lutter contre la radicalisation : le Plan d’action contre le terrorisme (PACT) et le Plan national de prévention de la radicalisation (PNPR). Ce dernier définit 60 mesures pour réorienter la politique de prévention.

Les failles du concours. Autre angle mort, le recrutement. Si le concours d’entrée dans la fonction publique garantit une procédure équitable, il peut aussi poser problème dès lors qu’il devient nécessaire d’écarter un candidat pour des raisons non prévues par les textes. « Si on le refuse alors qu’il a eu le concours, comment le justifier ? Il n’y a pas de moyens juridiques », souligne un haut fonctionnaire. L’Etat se retrouve alors dans une situation ubuesque où le concours devient le meilleur allié des individus radicalisés, puisque seuls les contractuels peuvent être écartés pour radicalisation… Les policiers ne sont pas les seuls à faire face à ces dysfonctionnements du mode de recrutement. Entendu par la commission parlementaire, le colonel Grégory Allione, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, reconnaît : « On a des progrès à faire sur le recrutement : les sapeurs-pompiers de Paris ou les marins-pompiers de Marseille ont un statut militaire qui permet un criblage au recrutement important. Mais les pompiers volontaires sont des civils engagés volontairement, donc on ne fait un criblage qu’à partir du bulletin n°2 du casier judiciaire, qui ne révèle rien de leurs activités. » S’il refuse de quantifier le phénomène de radicalisation chez les pompiers – « car aucune étude n’existe sur ce sujet » –, il partage en revanche son expérience de terrain : « Je pense qu’il y a des radicalisés sur les sujets islamistes parce que je l’ai vécu en tant que chef de corps ; mais je ne peux pas vous dire combien. Nous n’avons pas l’organisation centrale qui nous permet de répondre à cette question. »

Démunis. Pour illustrer ces propos, l’un de ses collègues lui vient en aide en racontant aux députés le cas de suspicion de radicalisation auquel il a été confronté : « J’ai mis en place une femme chef de centre, un homme a eu une réaction disproportionnée, il a ensuite refusé de la saluer, puis s’est mis en arrêt maladie et a demandé sa mutation, qui a été acceptée. Et de poursuivre : Un autre cas de figure est celui des personnes qui font le ramadan : il est essentiel de s’alimenter quand on est pompier, et ceux qui le refusent totalement sont les plus radicaux. » Face à ces comportements nouveaux, les pompiers se sentent de leur propre aveu « démunis » et la définition même de la radicalité reste assez floue. Comme beaucoup de leurs collègues de la fonction publique, ils déplorent le manque d’outils, de formation – « Tous nos officiers qui passent par l’Ecole nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers d’Aix-les-Milles (…) n’ont aucun élément sur ce qui concerne le prosélytisme ou la radicalisation » – et racontent leur façon parfois peu académique de gérer les difficultés rencontrées. « Face au cas du ramadan, on gère ça par la pédagogie : j’ai fait venir un imam qui lui dit qu’il lit le Coran trop restrictivement et qu’il peut s’alimenter. Je sais que c’est choquant de faire intervenir un ministre religieux dans un service public, mais c’est tout ce que j’ai. »

MARDI 5 FÉVRIER 9 H – ADP HENRI-MICHEL COMET DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT « Le retrait du badge rouge est une décision de l’Etat, pas du groupe ADP, de même que ce n’est pas nous qui l’octroyons. (…) »

De la même manière, lorsque des pompiers découvrent des cas de radicalisation islamiste lors de leurs interventions, ils agissent surtout en fonction de leur bon sens. Il arrive que des pompiers pénétrant dans l’appartement d’une personne à secourir se retrouvent nez à nez avec des drapeaux de l’Etat islamique. Ou qu’on leur interdise de toucher une femme, ou même d’entrer dans une pièce dans laquelle se trouvent des femmes. Alors ils parlementent, négocient. « On essaie de convaincre ou on fait appel à une femme qui est à nos côtés. Ou alors la personne qui interdit change d’avis une fois que sa femme a perdu connaissance. » Que faire ensuite des informations glanées sur le terrain ? « Quand il y a des signes de radicalisation, le chef d’agrément essaie avant tout de porter secours, puis de faire remonter l’information, affirme Grégory Allione aux parlementaires. Mais il faut que les agents y soient éduqués pour en avoir le réflexe. »

Criblage. Les pompiers représentent un bon baromètre de la société française : avec 80 % de leurs interventions consacrés au secours d’urgence aux personnes, ils sentent, prennent le pouls de la France dans sa diversité et dans sa complexité. « Ce que vit le pays actuellement, nous l’avions repéré à travers des signaux faibles ressentis dans des attitudes à l’encontre du service public des sapeurs-pompiers », atteste le colonel Allione, observant au passage la hausse des agressions à leur égard. Pour lui, deux menaces sont à prendre au sérieux : « La radicalisation relative à l’islamisme et la radicalisation relative à un idéal politique. » Les formations menées par les pompiers sur tout le territoire peuvent aussi être l’occasion de détecter nombre de signaux. Ainsi, 8 500 élèves des 65 collèges d’un département de l’est de la France ont été formés en 2018 aux premiers secours, 2 % d’entre eux ont refusé de participer en raison de pratiques religieuses (refus de toucher une femme ou un homme, refus de toucher le sang…). « Ce sont des informations que l’on pourrait faire remonter », fait remarquer un pompier auditionné. « Utiliser la force des sapeurs-pompiers sur le territoire pour faire remonter des informations est quelque chose que l’on ne fait pas », déplore son collègue.

DÉCEMBRE 2018 UN HAUT FONCTIONNAIRE « Les remontées d’informations pénitentiaires deviennent efficaces, les remontées dans l’Education nationale s’améliorent. Mais la remontée de signalement depuis le milieumédical ou hospitalier est très compliquée. »

Autre sujet qui pose question, le processus de vérification des agents dans les fichiers de renseignement, une opération dénommée « criblage ». Comme l’explique aux députés Stéphane Volant, secrétaire général de la SNCF, « nous avons beaucoup recours à l’intérim. Or nous n’avons aucune possibilité de cribler les intérimaires ni même les prestataires extérieurs. Cela nous serait utile, car ils peuvent occuper des emplois ou être sur des sites sensibles ». Volant est aussi président du Club des directeurs de sécurité des entreprises, une organisation qui regroupe les 150 plus grandes entreprises du pays et qui devrait s’ouvrir aux collectivités locales et territoriales. Devant les élus, il s’inquiète : « Nous aurons à accueillir la Coupe du monde de rugby en 2023 et les JO en 2024. Il faudra employer des dizaines de milliers d’agents de sécurité. Le seul criblage fait à l’embauche est celui du casier B2 : s’ils ont volé une orange, ils ne pourront pas être engagés. S’ils sont suivis et fichés par les renseignements, il n’y aura aucun problème. (…) Imaginez que pendant les JO des vigiles laissent volontairement passer des personnes radicalisées armées dans le stade principal pour la cérémonie d’ouverture… » Il prédit un engorgement du tout récent Service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS) si rien n’est fait rapidement : « On va engager des dizaines de milliers d’agents et le SNEAS n’est pas équipé pour cribler l’ensemble de ces personnes. »

La RATP a fait étudier 5 912 dossiers au Service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS) : 5 608 avis se sont révélés positifs, 125 négatifs et 179 sont en attente. Sur les 125 avis négatifs, la grande majorité concerne des agents en cours de recrutement.

Si les acteurs parapublics sont désormais sensibilisés à la radicalisation, le communautarisme est quant à lui encore diversement apprécié. A la RATP, où, d’après un proche du dossier, il arrive « après la titularisation que les barbes s’allongent à mesure que les pantalons raccourcissent », on refuse pourtant de parler de « radicalisation ». Mais les responsables de la RATP auditionnés admettent être confrontés au communautarisme de certains de leurs agents. Selon le directeur général adjoint, Jean Agulhon, la situation actuelle est le résultat d’une politique menée par la RATP il y a vingt ans, consistant à recruter les « grands frères » comme médiateurs ou conducteurs de bus afin d’éviter leur caillassage dans les quartiers. « On a rapporté dans nos centres de bus la communauté de la cité, admet Agulhon. Avec beaucoup de gens qui s’en plaignent : Je viens travailler pour échapper au communautarisme et je le retrouve au travail. On a donc opéré un changement dans notre politique de recrutement en affectant délibérément les personnes dans un autre centre bus que dans celui d’où elles dépendent, là où elles vivent. » Si la politique de recrutement a été corrigée, certains faits évoqués par l’un des trois syndicats de la RATP entendus laissent pantois. « Ce qui nous est remonté, c’est surtout des personnes qui mettent des gants pour ne pas avoir à manipuler de la monnaie qui aurait été touchée par des femmes, relate un responsable syndical de la RATP auditionné par la commission. Ce n’est pas un cas unique, mais on ne peut pas dire que c’est généralisé, ce sont plein de petits cas isolés. Comme, à une époque, il y a eu des conducteurs qui refusaient de prendre le service après une femme, mais aujourd’hui on n’en entend plus parler. »

Femmes. La prière dans les locaux de l’entreprise de transports publics semble être une pratique courante, malgré les dénégations des responsables de la régie. « Et pas seulement pour les conducteurs de bus », précise un syndicaliste. « On a même des locaux interdits à des femmes dans des terminus, et ces remontées sont récentes, poursuit-il. On a une autre difficulté, aujourd’hui, qui est que des musulmans pratiquants sont en train de cibler des femmes croyantes non pratiquantes. Au moment du ramadan, une collègue qui partait à Ibiza s’est fait réprimander par un collègue qui lui a dit que c’était mal de ne pas faire le ramadan et, encore pire, de faire la fête pendant le ramadan. Elle a été complètement mise à l’écart après ça. Il y a une véritable cabale de cette communauté pour mettre à l’écart ces femmes qui ne respectent pas ses prescriptions. Il se passe des choses, dans l’entreprise, qui doivent être signalées. » Des propos qui tranchent avec les affirmations du délégué général à l’éthique de la RATP, Patrice Obert : « Notre discours est très ferme et, désormais, les managers se sentent bien plus rassurés et outillés par rapport à il y a quelques années. De plus, ils ont l’intelligence de la situation : dès qu’il y a un problème, ils procèdent à un recadrage en direct qui règle immédiatement l’affaire. »

MARDI 19 FÉVRIER – 10 H – FNSPF UN RESPONSABLE LOCAL DES SAPEURS-POMPIERS « Face au cas du ramadan, on gère ça par la pédagogie : j’ai fait venir un imam qui lui dit qu’il lit le Coran trop restrictivement et qu’il peut s’alimenter. Je sais que c’est choquant de faire intervenir un ministre religieux dans un service public, mais c’est tout ce que j’ai, nous sommes démunis. »

Psychose. Mais ce que ces auditions révèlent, ce sont aussi les désaccords entre syndicats sur ces questions. L’Unsa (arrivée en tête lors des dernières élections syndicales) et le CFE (syndicat des cadres arrivé troisième après la CGT) tiennent des discours très différents, voire opposés. Si l’un des syndicalistes auditionnés évoque sans détour « des phénomènes communautaristes ça et là », côté Unsa, on s’insurge contre une laïcité qui serait « discriminante » et on expose une autre vision aux députés : « Je suis machiniste dans le nord de Paris depuis un peu moins de dix-huit ans. (…) Il y a une communauté de travail, car on a grandi dans les mêmes quartiers, on a des amis communs, c’est pour ça qu’on traîne ensemble, sans qu’on ait un aspect religieux. Là, on est en période de ramadan : si je demande une semaine de congés, comment cette demande serait classée ? Il y a une sorte de psychose, il n’y a qu’à nous qu’on demande ça, au prétexte de laïcité. On a l’impression d’être visés par la laïcité. »

5 lieux de culte ont été fermés entre novembre 2017 et novembre 2018.

L’obsession du repli. Si les risques de passage à l’acte terroriste sont toujours présents, l’observation des phénomènes de replis communautaires entrent désormais dans les radars des services de renseignement. La mosquée n’est pas le cœur de la radicalisation violente, « qui se fait d’abord par la famille, puis par Internet, puis le sport et les mosquées, presque par ordre décroissant », d’après le préfet de police des Bouches-du-Rhône. De son côté, le patron de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), Nicolas Lerner, assure que « les lieux de culte ne sont plus les incubateurs qu’ils ont pu être, car les pouvoirs publics se sont donné les moyens de les contrôler et les autorités religieuses ont également pris conscience du rôle qui était le leur. (…) L’environnement éducatif et, de manière plus générale, tout ce qui touche à la formation des esprits nécessitent aussi une certaine vigilance ». La floraison d’écoles coraniques dans des quartiers où les services publics sont affaiblis fait partie des préoccupations. Difficile de déterminer quels sont les services de l’Etat les plus confrontés à la radicalisation de leurs usagers, néanmoins, le directeur général de la DGSI avance une hypothèse : « Je pense que c’est l’administration pénitentiaire qui est numériquement le plus confrontée à ces phénomènes. L’Education nationale ou les services publics hospitaliers sont aussi quotidiennement confrontés à de la radicalisation, ou du moins à des personnes qui, par leurs propos ou attitudes, se trouvent déjà dans les prémices de la radicalisation par bêtise, bravade ou défi de l’autorité. »

70 000 signalements ont été effectués auprès du numéro vert du Centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation, 8 % ont été considérés comme des cas de radicalisation par l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste.

Cette tendance au repli identitaire sur motif religieux préoccupe les services de renseignement comme les élus, souvent démunis face à ces phénomènes. Najwa El Haïté, adjointe au maire de la commune nouvelle d’Evry-Courcouronnes, dans l’Essonne, a ainsi raconté aux députés comment les activités de soutien scolaire et sportives, notamment le foot, pouvaient servir de moyen de diffusion de discours prosélytes. Et a livré le récit de sa rencontre déroutante, alors qu’elle attendait un rendez-vous : « Je me gare et je vois un déferlement de voitures. Des petites filles de 6 à 8 ans entièrement voilées, accompagnées par leurs pères, se rendaient dans une école coranique qui se tenait dans un appartement privé. Elles étaient une quinzaine. » Effarée, l’élue décide d’entrer à son tour. Accompagnée d’un homme, elle prétexte vouloir prendre des cours d’arabe. « La responsable d’accueil a dit qu’il était hors de question que l’homme qui m’accompagnait suive ces cours, c’était réservé aux femmes. J’ai découvert que l’école est hébergée par une association, qu’elle est non agréée. Beaucoup de petites filles ont été retirées des écoles républicaines quand l’Abécédaire de l’égalité a été diffusé, prétextant qu’il véhiculait la théorie du genre. » Sa conclusion est alarmante : « J’ai reproché à Manuel Valls d’exagérer ses propos sur l’islamisme. Il m’a proposé d’aller m’impliquer et j’ai découvert la réalité. Heureusement, la majorité des musulmans est profondément attachée à la république. Mais une minorité s’organise de manière active et très dangereuse. » En attendant, l’Etat compose


Source : Le Point

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