Le verrou du maximum de 12 minutes de publicité télévisée sur une chaîne donnée pour chacune des heures de la journée pourrait bientôt sauter.
Selon nos informations, les services de la Commission européenne chargés de réviser la directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) envisagent en effet de proposer que ce plafond de fenêtre publicitaire soit désormais calculé sur la base d'une moyenne entre 7 heures et 23 heures. En d'autres termes, on pourrait avoir des heures avec plus de 12 minutes et d'autres avec moins, du moment que la moyenne est de 12 minutes. Un calcul par heure est trop bureaucratique, estime-t-on à la Commission.
Le vice-président de la Commission chargé du Marché unique du numérique, Andrus Ansip, a expliqué, en clôture d'un colloque du ministère de la Culture, que les règles régissant la publicité en Europe « devaient être assouplies ».
Andrus Ansip a précisé aux « Echos » que des propositions seront également faites pour assouplir les règles de placement de produit et de sponsoring sur le petit écran.
Evidemment, ces projets n'en sont qu'au stade de propositions : le collège des 28 commissaires doit en effet se mettre d'accord, et ces mesures devront ensuite être approuvées par le Parlement et le Conseil européens.
Il se prépare une réforme de la directive européenne qui régit les services médias audiovisuels (télévision, radio,…). Le projet de texte de cette réforme sera présenté la semaine prochaine par la Commission. Ce projet prévoit de permettre encore plus d’invasion publicitaire.
Aujourd’hui, la réglementation européenne impose aux chaînes de télévision de ne pas dépasser une limite de 20% de publicité par heure. Mais les lobbies ont obtenu bien plus. Le projet de réforme prévoit qu’une chaîne de télévision pourrait diffuser 30 ou même 40% de publicité durant les heures de grande écoute (entre 19h et 22h) et compenser cela en ne diffusant que 10% de publicité durant les heures creuses de la matinée.
Le projet de réforme prévoit également de permettre aux chaînes de télévision d’interrompre plus fréquemment les films par des sports publicitaires mais il ne faudra pas s'étonner que les personnes se mettent à regarder les films en VOD, streaming,... mais aussi sur DVD ou BD ou téléchargent légalement. Jusqu’ici, la réglementation prévoit que les coupures publicitaires doivent être espacées d’un moins 30 minutes. La Commission propose de permettre d’interrompre un film toutes les 20 minutes pour des pages publicitaires soit 3 coupures par heure.
Enfin, le projet de réforme devrait également autoriser plus de placements de produits dans les programmes, c’est-à-dire de la publicité déguisée disséminée dans le programme. Seuls les programmes religieux, les journaux télévisés et les émissions pour enfants devraient être préservés de cette intrusion publicitaire déguisée.
Voilà qui rappelle cette citation de Patrick Le Lay lorsqu’il était président directeur général du groupe TF1 :
« Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective business, soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit. Or, pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible.
Rien n’est plus difficile que d’obtenir cette disponibilité. C’est là que se trouve le changement permanent. Il faut chercher en permanence les programmes qui marchent, suivre les modes, surfer sur les tendances, dans un contexte où l’information s’accélère, se multiplie et se banalise.
La télévision, c’est une activité sans mémoire. Si l’on compare cette industrie à celle de l’automobile, par exemple, pour un constructeur d’autos, le processus de création est bien plus lent ; et si son véhicule est un succès il aura au moins le loisir de le savourer. Nous, nous n’en aurons même pas le temps !
Tout se joue chaque jour, sur les chiffres d’audience. Nous sommes le seul produit au monde où l’on ‘connaît’ ses clients à la seconde, après un délai de 24 heures. »
— extrait tiré du livre Les dirigeants face au changement, Éditions du Huitième jour, 2004
"Les producteurs européens se plaignent d'être dans une position défavorable pour le financement des contenus face aux Américains", explique Andrus Ansip. Il est vrai qu'aux Etats-Unis, les plages de publicité atteignent un tiers du total sur une heure donnée et donnent potentiellement plus de moyens aux chaînes pour investir. Même si des émissions outre-Atlantique comme le légendaire "Saturday Night Live" ont récemment décidé d'abaisser le temps consacré à la pub, la tolérance des télépectateurs allant en diminuant avec la hausse de la consommation de télé à la demande.
Les règles actuelles fixées par Bruxelles en matière de plages de pub sont des règles minimales, en tout cas avant la future révision de la directive. La France en a une interprétation plus restrictive. Ainsi, le temps d'antenne consacré à la publicité pour les chaînes de la TNT "est limité à 9 minutes par heure en moyenne quotidienne sur l'ensemble des périodes de programmation au cours desquelles cette diffusion est autorisée, et à douze minutes pour une heure d'horloge donnée," dit le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).
La volonté d'assouplissement ne va pas manquer de faire débat. Il semble que les télés françaises n'y sont pas aussi favorables qu'on pourrait l'imaginer. Il y a un risque de "démultiplication de l'offre et donc un nivellement par le bas des tarifs avec au final un sous financement général", réagit une chaîne. Les autres médias pourraient s'inquiéter de se voir chiper des budgets publicitaires par la télé. La France est en outre plutôt encline à limiter le territoire de la publicité. Pas sûre qu'elle accepte à terme, par exemple, des plages de 20 minutes en prime time.
Marre de la pub à foison à la téloche ? Passez à la VOD, streaming, DVD et BD
Sources : Les Echos et Media-Presse
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