La goutte froide est un phénomène météorologique bien connu des météorologues et particulièrement surveillé. En effet, son apparition entraîne régulièrement un temps chaotique et parfois dangereux dans la zone touchée par le phénomène.
En jargon météo, une goutte froide n'est ni plus ni moins qu'une zone d'air très froid située en altitude, à plus de 5 000 m au-dessus du niveau de la mer. C'est aussi une zone de basse pressions qualifiant de dépression. La différence de température entre le sol et l'air froid en altitude déstabilise la masse d'air, provoquant parfois des intempéries parfois majeures. Le positionnement de cette bulle d'air froid isolée n'est pas automatique et varie en fonction de l'évolution des autres masses d'air à proximité. Les gouttes froides sont susceptibles d'être dangereuses pouvant causer de lourdes pertes matérielles et humaines
Une autre particularité est la prévision : il est encore difficile de prévoir l'évolution de ces phénomènes et notamment leur déplacement.
Conséquences humaines et matérielles
Alors que le temps est généralement très calme autour de cette goutte froide, la situation se dégrade dès que l'on se trouve sous cette poche d'air froid. Les exemples sont nombreux, comme en juillet 2021, où une goutte froide s'est positionnée sur l'Allemagne en plein été, provoquant des inondations meurtrières et des dégâts matériels et agricoles très importants. Plus récemment, la semaine dernière, une goutte froide a provoqué des dégâts majeures et à nouveau des pertes humaines en Italie, avec une succession de pluies torrentielles et d'orages. Le coupable était encore une fois une goutte froide.
Conséquences agricoles
Les intempéries provoquées par ce phénomène affectent également le secteur agricole. Cette année, en Italie, des dizaines de milliers d'hectares de production agricole ont été inondés. La production de fruits et légumes est particulièrement touchée, les racines des arbres suffoquant et pourrissant.
Il faut attendre que l'eau qui a envahi les exploitations s'écoule pour estimer les pertes de production et de matériel.
La goutte froide est donc un phénomène météorogique qui reste assez imprévisible parfois dangereuse (comparé aux dépressions tropicales) et qui peut avoir de graves conséquences sur le plan humain, matériel et agricole ! En 2021, l'Allemagne a pris cher et l'Espagne en a récemment fais les frais de cette goutte froide.
Après la catastrophe, quelles leçons pour l'avenir ?
L'Espagne a connu l'une des pires catastrophes naturelles de ces dernières décennies lorsqu'un phénomène météorologique dévastateur, la "goutte froide", a violemment frappé l'est du pays. Des pluies torrentielles et des inondations ont sévèrement frappé la région de Valence, ainsi que l'Aragon, la Castille-La Manche, l'Andalousie et la Catalogne. Au-delà des pertes humaines et des dégâts matériels, l'empreinte écologique de cette catastrophe est d'une ampleur inégalée. Pour 22-Med, plusieurs experts analysent le phénomène et proposent des stratégies pour y remédier.
Les gouttes froides se produisent dans tout le bassin méditerranéen occidental et ont généralement un impact plus important dans les zones au relief complexe. La présence de torrents, de ruisseaux ou de systèmes fluviaux courts avec de fortes pentes augmente leur intensité.
En Espagne, l'Agence météorologique nationale a introduit il y a quelques années le concept de DANA (acronyme de Isolated Depression at High Levels, synonyme de goutte froide). "Il s'agit d'un centre de basse pressions qui se reflète surtout dans les couches moyennes et supérieures de l'atmosphère et qui, pendant un certain temps, parfois plusieurs jours, reste découplé de la circulation générale", explique Jordi Cunillera, chef de l'unité du changement climatique au Service météorologique de Catalogne.
"Lors de l'épisode de fin octobre, en plus d'être très profond, il est resté assez statique dans le sud et l'ouest de la péninsule ibérique. Ce phénomène a favorisé l'injection d'une masse d'air humide d'origine maritime. Combiné à l'instabilité et au cisaillement existants, il a donné naissance au système tragique qui a produit les pluies torrentielles à Valence", ajoute-t-il. Bien que moins grave, ce système a également touché d'autres régions de l'arc méditerranéen, comme la Catalogne.
M. Cunillera rappelle que, par le passé, des gouttes froides ont déjà provoqué des précipitations intenses et d'importants problèmes dans des régions proches de la côte méditerranéenne, tant en Espagne qu'en France. Il attribue leur impact à différents facteurs, dont le réchauffement. "Dans le scénario actuel du changement climatique, les températures de surface de la mer ont augmenté de manière significative. Ce réchauffement fournit une énergie supplémentaire qui peut conduire à une augmentation de la quantité de précipitations d'un épisode donné et de son intensité."
Aménagement du territoire et résilience des écosystèmes
Il est essentiel de tenir compte de l'utilisation des terres au cours des dernières décennies. En effet, dans de nombreux cas, comme dans les villages touchés autour de Valence, les zones sujettes aux inondations n'ont pas été respectées.
Comme l'explique Javier Martín-Vide, professeur émérite de géographie physique à l'université de Barcelone : "La croissance rapide et désordonnée de ces centres de population il y a quelques décennies, due en grande partie à des processus de transfert de population des zones rurales vers ces villes, s'est produite sans planification foncière et urbaine adéquate. Dans ces conditions, il s'agissait d'une catastrophe annoncée, même si la population n'était pas consciente de ce danger majeur, étant donné que ces cours d'eau sont souvent à sec ou à faible débit."
Javier Martín-Vide estime que l'aménagement du territoire et l'urbanisme sont les mesures les plus efficaces et les plus économiques pour organiser le territoire et réduire l'impact des phénomènes naturels. Il souligne également l'importance de mieux connaître le territoire.
De son côté, Annelies Broekman, agronome et chercheuse au CREAF, ajoute : "L'impact négatif est dû à l'absence de construction résiliente. Il ne faut donc pas construire dans les zones inondables !"
Cette experte explique que la résilience des écosystèmes aux phénomènes extrêmes est généralement directement proportionnelle à leur état de santé initial. Et elle précise : "Le seul cas où l'on pourrait parler d'impact écologique induit par des pluies torrentielles comme la goutte froide concernerait les zones dégradées, notamment désertifiées. Car lorsque les pluies torrentielles tombent sur des sols nus, elles provoquent une érosion énorme, et cette érosion peut entraîner un impact écologique important."
Annelies Broekman affirme également que les écosystèmes des zones inondables peuvent être dévastés par la montée des eaux, mais que les plantes indigènes profitent généralement des inondations pour se renouveler, tandis que les espèces exotiques sont moins bien préparées. "La mesure préventive la plus importante est d'empêcher la poursuite de la dégradation d'espaces naturels pleinement fonctionnels.
Une autre mesure à prendre rapidement serait de restaurer les zones dégradées. Et une mesure encore plus décisive consisterait à éliminer les constructions vulnérables au changement climatique dans les zones naturelles, telles que les zones inondables ou les zones à haut risque d'incendie. Dans le cas de la goutte froide, la restauration des zones humides comme l'Albufera à Valence et le maintien d'un bassin versant sain sont essentiels pour renforcer la résilience des écosystèmes."
Adaptation et reconstruction écologique
La reconstruction prendra du temps. La planification écologique et la restauration des écosystèmes sont essentielles pour reconstruire durablement les localités touchées par les inondations. "Ces stratégies permettent non seulement de rétablir l'équilibre naturel, mais aussi de réduire la vulnérabilité des zones urbaines aux catastrophes climatiques auxquelles nous serons de plus en plus exposés", explique Mariona Ferrandiz.
Lors de la planification, il est essentiel de donner la priorité aux surfaces perméables afin de faciliter l'infiltration de l'eau et de réduire l'accumulation en surface. "Il est également nécessaire d'identifier les zones les plus vulnérables à l'aide d'outils de modélisation écologique et climatique afin de prioriser la mise en œuvre de stratégies naturelles dans ces zones."
Pendant les travaux, les efforts doivent se concentrer sur la restauration des forêts riveraines et des zones humides. Il est particulièrement important de ramener les lits des rivières à leur état naturel afin d'atténuer l'impact des inondations en absorbant l'eau et en réduisant la vitesse d'écoulement lors des fortes pluies.
Simulation et modélisation des phénomènes extrêmes
De nos jours, des modèles climatiques avancés sont développés pour prévoir les phénomènes extrêmes. Ils simulent le développement de ces événements dans différentes conditions climatiques. Par exemple, dans un climat plus chaud, où l'atmosphère retient davantage d'humidité, ce qui entraîne des précipitations plus intenses. C'est le cas au Centre de supercalcul de Barcelone (BSC-CNS), qui dispose de capacités de supercalcul avancées.
"La théorie et la modélisation indiquent qu'un climat plus chaud est associé à des précipitations extrêmes plus fréquentes et plus intenses. Une tempête intense comme la goutte froide est un phénomène météorologique spécifique qui est rare en soi, mais pas exceptionnel dans un contexte historique", explique Markus Donat, professeur de recherche et co-responsable du groupe Variabilité et changement climatique au Centre de supercalcul de Barcelone (BSC-CNS).
Ces scientifiques travaillent à la compréhension des risques associés à ces phénomènes extrêmes pour permettre le développement de stratégies d'adaptation et d'anticipation plus ciblées. Cela permettra de protéger les populations de ces épisodes climatiques de plus en plus fréquents et violents.
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